Les ondes laissées par Pedro Mizutani et Skinshape 

Ces deux artistes nous embarquent le temps de 5 titres, dans leur univers. On traversera nos émotions sans nous y attacher, dans cet autre espace-temps dessiné par les eaux claires. 

Une fois revenue d’un long voyage, quoi de mieux que la musique pour nous emmener encore un peu, loin de notre quotidien ? Faire un pas de côté. Le jeune artiste Pedro Mizutani, originaire de Rio, allie la douceur de ses paroles aux mélodies de Skinshape, musicien et producteur britannique, pour composer ce nouvel EP. Il s’intitule Mostrando Os Dentes, et il s’agit de leur second projet réalisé ensemble, après Pensando Baixo

Sur des rythmes de bossa nova, on reconnaît également la touche de Skinshape, ses arrangements riches et entraînants. Difficile de dire si nous sommes sur les plages de Rio, admirant le coucher de soleil depuis Arpoador, ou bien sur les grandes avenues de Londres, quoi qu’il en soit ils nous proposent ici un voyage aussi doux que onirique. La pochette de l’album illustre très bien ce projet, elle en donne les clés. Au centre, un personnage est porté par un flux d’eaux claires, qui gravite autour de lui et en lui. 

Pedro Mizutani

Mostrando Os Dentes, qui signifie littéralement “montrer les dents”, est constitué de 5 morceaux. Pourtant il n’y a aucune raison d’avoir peur, bien au contraire. On y a plutôt vu une référence à une étrange créature, nous ouvrant la porte d’un monde parallèle et intérieur. Le premier morceau Criaturas da Noite est une belle entrée dans cet EP. La mélodie est douce. On plonge dans un rêve, sans trop de difficulté, comme si on nous contait une histoire. 

Dès ce premier morceau, Pedro Mizutani s’adresse à cet autre invisible, qui habite ses chansons, ses mots, et ses maux. “Tava na minha, lembrei de você” (J’étais dans mes pensées, je me suis souvenu de toi.). L’autre, aimé et rêvé, s’installe. À l’instar des morceaux de bossa nova, on y chante l’amour, sublimé et parfois déchu. Deixar ne déroge pas à la règle. Les paroles s’entremêlent jusqu’à se confondre à un titre mélodieux, et envoûtant. Cette parenthèse s’ouvre comme elle se referme, pareille à un songe qui nous traverse et repart aussitôt. 

Canal démarre avec un sifflement, qui nous attrape en quelques secondes et mène l’embarcation au fil du morceau. Les reflets du soleil coulent sur notre peau, et tout comme lui, on désire ne plus savoir où l’on va pendant un instant, se laisser porter. La destination importe peu. L’espace est également laissé au silence ; les mots de Pedro se posent sans faire de vacarme, tout est soigné, la mélodie devient murmure. 

Skinshape © Photo : Mike Lewis

On retrouvera ce sifflement plus tard, sur le morceau Sozin (à rapprocher de « sozinho » qui signifie « seul »). L’introduction s’étire, et le morceau se pare d’autres couleurs. Suspendu, des gouttes d’eau traversent le tableau. Les choses avancent presque au ralenti, comme une invitation à prendre le temps. Le ton est aussi mélancolique que paisible. Les yeux fermés, on recherche l’autre dans une bribe de souvenir. 

Nos peurs, nos doutes, et nos rêves, habitent cet espace. Lugar de Agonia est la note finale du chapitre, et traite de la peur de la solitude. Les arrangements de Skinshape portent le son de la guitare pour en faire quelque chose d’encore plus singulier et lumineux. Face à cette boucle contre laquelle il demeure inutile de lutter, l’énergie est pourtant apaisée. Ces sentiments cycliques sont appréhendés avec un regard différent, maintenant presque hors de nous. 

Soudain, le pas des passants ralentit et leurs voix s’effacent, nous sommes ailleurs. C’est ce que nous a offert Mostrando Os Dentes, un moment pour soi dans notre quotidien. Il se fait écrin de morceaux chaleureux, comme deux grands bras rassurants où trouver refuge. La bossa nova repose sur cette exploration fine des sentiments, sans pencher dans le dramatique. Cependant nul besoin de comprendre le portugais pour partir en voyage, un voyage dans les eaux de notre esprit. Nous y avons trouvé de quoi remplacer ces tumultes par une lente et douce évasion. Ce projet est l’affirmation que la recette entre ces deux artistes, la rencontre de leurs univers, fonctionne à merveille. En attendant que le feu passe au vert, on rêve déjà à la suite de l’histoire.

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