À l’occasion de la fin de leur tournée, nous avons rencontré Pauline (Ropoporose) et Diego (BRNS) du groupe Namdose pour évoquer avec eux ce projet de fusion de groupe et ce que l’avenir leur réserve. On y parle de guitares, d’intermittence et de post-punk.
LFB : Comment ça va ?
Pauline : Ça va bien
Diego : Ça va bien, ça fait trois semaines qu’on n’a pas joué ensemble donc on est contents de jouer.
LFB : Comment on monte un projet comme ça quand on a chacun son projet en cours ?
D : Comme on monte un autre groupe. Là c’est un peu particulier, ça vient de nous dans le sens où les deux groupes étaient programmés sur une date au Botanique, et puis on est allés voir le programmateur pour lui dire “ce serait sympa si on jouait, comme on se connaissait un peu avec Romain et Pauline, si on va jouer sur une chanson à eux, ils viennent sur une chanson à nous et pourquoi pas faire un morceau inédit”. BRNS avait déjà fait une mini tournée comme ça. Et en fait c’est Paul-Henri Waters le programmateur du Botanique qui nous a dit “ben pourquoi vous ne faites pas une vraie création de 40 minutes avec que des morceaux inédits ?” C’est né comme ça et comme on s’est bien marrés on a cherché d’autres concerts, on a lancé nos Bookers sur le coup. Et puis on s’est dit “c’est con on va quand même l’enregistrer ce disque”. Et puis finalement il y a eu une vraie vie à part entière de ce projet là. On a fait 2 ou 3 plateaux où les groupes originaux jouaient aussi en plus de Namdose sur la même soirée. Après ça a eu une vie tout à fait indépendante, chose qu’on voulait aussi.
LFB : Une fusion de groupe, est-ce que ça vit comme un groupe “normal” ?
P : Comme un groupe normal dont les gens ne sont pas tous du même pays. Du coup quand on se voit, on se voit une semaine plutôt que une ou deux fois par semaine contrairement aux autres groupes. Sinon, en dehors de ça c’est normal.
D : C’est juste qu’il y a deux managers, deux tourneurs en France, les équipes sont un peu doublées parce qu’on n’a pas choisi, on a préféré que nos entourages bossent ensemble, ce qui leur va. Mais à part ça c’est un groupe à part entière, c’est pour ça qu’on a changé de nom, au départ ça s’appelait BRNSRPPRS parce que dans la hâte, il fallait quelque chose mais après on a décidé de changer.
LFB : Comment se passe la composition ?
D : Ça se passe à cinq.
P : Ça ne se passe plus comme avant. Pendant la période où il fallait qu’on crée pour jouer, on était dans l’urgence, on ne savait pas trop comment fonctionner parce qu’on ne se connaissait pas vraiment. Et maintenant qu’on se connait mieux… C’est pas plus rapide (rires)
D : Il y a eu un truc très intéressant. Certaines personnes sont venues avec une première idée d’une mélodie et ça a fait plusieurs morceaux. Mais après, c’est vraiment composé à cinq dans la même pièce. Par contre ça peut être hyper laborieux de faire comme ça, mais là on a décidé de faire un truc plus direct et de ne pas se poser mille questions.
P : Voilà, s’il y a un truc, c’est bien, on avance.
D : Voilà, quelqu’un trouve une ligne de voix dessus et puis on écrit des paroles et on ne se pose pas de questions. Cet aspect là, assez direct, composé à cinq, joué à cinq, enregistré à cinq sans overdub, ça donne un côté plus direct et limite plus fun, on se pose moins de questions que dans nos autres projets respectifs. Et une fois qu’on avait ces sept morceaux là, on est revenus sur d’autres morceaux qu’on a composé pour le live. On est revenus sur un truc où, à nouveau on se pose plus de questions alors que les sept premiers morceaux ont été composés sur une grosse dizaine de jours. Ça avait un côté vachement rafraîchissant, et du coup le disque est assez proche de l’énergie du live, qui elle même est assez proche de l’énergie de la composition parce qu’il y a eu un laps de temps pas très long entre tout ça. Il n’y a même pas un an entre le moment où on se dit “ah tiens on va faire un projet” et le moment où le disque sort. Ça peut paraître long mais c’est assez court. Avec BRNS, entre le moment où on termine le mixe et le moment où le disque sort il peut y avoir deux ans, ce qui est beaucoup trop long par contre (rires).
LFB : Comment on fait fonctionner un groupe à deux batteries ?
D : Ils sont très à l’écoute l’un de l’autre.
P : Et ils n’ont pas du tout le même jeu donc ils se complètent assez facilement. Ils se regardent tout le temps en jouant, ça fonctionne comme ça.
D : Ils se mettent bien d’accord sur les choses, ils n’ont pas le même son, ils n’ont pas le même jeu, mais surtout ils ont une bonne écoute. Ça ne joue pas tous les deux tout le temps et ça se complète bien, et puis c’est super parce que quand il faut envoyer la purée, là ils peuvent taper très fort tous les deux et ça marche très bien.
LFB : Un truc que vous aimeriez piquer à l’autre groupe ?
P : Moi j’aimerais bien savoir jouer de la guitare comme Diego quand même. Un jour, je me dis faudrait que j’apprenne des gammes ça pourrait être utile.
D : Moi j’aimerais bien piquer parfois votre spontanéité, parce que des fois avec BRNS on se prend trop la tête. J’aime bien votre énergie sur scène et il y a un côté hyper énergique dans les chansons et en même temps une espèce de décontraction, je trouve ça hyper agréable de vous voir sur scène, donc je vous prendrais bien cette énergie là.
LFB : Il y a quelque chose de viscéral et de rageur dans votre musique, d’où ça vous vient ?
P : Oui mais il y a quand même beaucoup de moments qui ne sont pas très énergiques, qui sont plus composés. Mais c’est marrant parce que moi même parfois j’y réfléchis et je me dis qu’en fait c’est un projet qui envoie, c’est ce que ça reflète et en fait je trouve qu’il y a quand même beaucoup de moment assez calmes. Du coup j’arrive pas à savoir si c’est plus l’un ou l’autre mais c’est vrai que ça n’envoie pas tout le temps.
D : Je pense que sans le dire, il y a pas mal de nuances qui sont venues et il y a des choses où on s’est dit “tiens il y a ça, on aime tous, c’est moins rapide, ça envoie moins mais on aime tous”, on ne s’oblige à rien. De toute façon si ça envoie tout le temps, en fait ça n’envoie pas. On n’a pas cherché la complication si ça ne venait pas. Par exemple il y a un morceau en cinq temps, mais je viens seulement de me rappeler tout à l’heure quand on l’a joué qu’il est en cinq, mais tu le sens pas parce que ça coule. C’est ça qui est assez chouette.
LFB : Il y a parfois des passages répétitifs sur vos morceaux (même en studio), et c’est assez peu fréquent dans la musique actuelle.
P : C’est peut-être de ma faute à cause de la loop (rires)
D : J’adore la musique séquentielle et la musique répétitive donc je pense qu’il y a ça.
P : C’est aussi à devoir aller vite sur la composition.
D : Sur les riffs qui se répètent ça construit une sorte de transe un peu comme dans la musique électronique où du coup tu fais plus attention aux détails.
LFB : Comment vous comparez l’état de la filière musicale en France et en Belgique ?
D : disons qu’en Belgique c’est plus petit, donc il y a moins d’endroits pour jouer donc pour vivre de la musique tu dois t’exporter. Sauf si tu es un artiste vraiment très mainstream et que tu peux ne marcher que dans la moitié du pays et ça marchera. Il y a des mecs qui font des stades de 80000 personnes à Anvers et à Liège personne ne les connaît. Mais par contre en France il y a plein de salles donc forcément quand tu es un groupe Belge francophone tu es amené à t’exporter en France pour jouer plus. Après sur la scène musicale comme c’est plus petit, même les groupes plus petits ont déjà une mise en lumière alors qu’en France on entend souvent “ah vous avez une super scène en Belgique” et j’ai à chaque fois envie de répondre “non mais vous aussi”, c’est juste que vu que c’est un plus gros pays, le spot est mis fort sur les mêmes artistes tout le temps. Certains Français qui s’intéressent à la musique alternative connaissent moins vite et moins facilement les plus petits groupes des scènes Math rock ou garage qui sont hyper importantes en France. Alors que mon père qui n’est pas non plus hyper à la pointe connait les groupes un peu indés.
LFB : Comment vous imaginez la suite de l’aventure ?
P : Vous, vous allez tourner là ?
D : Avec BRNS ? Non. Non, c’est un peu particulier dans le sens où on a dédié cette année 2019 à Namdose et probablement que le truc va en rester là pour cette fois. Ce que se dit c’est que c’est quand même assez compliqué, vu que les trois groupes ont une taille relativement comparable ce serait difficile de faire coexister les trois dans un calendrier. On est plus ou moins dans un bon timing où des albums de BRNS ou Ropoporose pourrait s’alterner avec le projet commun, donc on s’est dit qu’on prenait 2020 pour faire BRNS, Ropoporose et puis on voit après s’il y a de nouveau une envie de retravailler ensemble et pourquoi pas faire comme ça, entre les projets.
P : Naturellement ça s’est fait comme ça, on était sur le même rythme.
LFB : Et donc là les deux groupes composent en parallèle de la tournée ?
D : Avec BRNS on a composé et enregistré un disque fin 2018, et on espère qu’il sorte première moitié de 2020 mais ça a pris pas mal de retard.
P : Nous avec Ropoporose on fait un ciné-concert pour l’année prochaine. La première est le 15 Février, là on était en résidence cette semaine, on a bien bossé le truc.
LFB : Est-ce que vous avez des coups de coeur récents ?
D : J’avoue que j’écoute peu de trucs récents. Ah si FEWS, c’était super.
P : J’ai cherché super longtemps sur internet en mettant FUZE (rires)
D : C’est rien de révolutionnaire mais c’est tellement bien fait, avec tellement d’énergie et de classe. C’est un peu post-punk-pop, j’avais l’impression d’être devant du Interpol du premier album mais survitaminé avec des trucs un peu répétitifs, un peu garage. Du rock à guitares, qui fait un pont entre début 2000 et fin des années 70.
P : Je dirais The Psychotic Monks. C’est un des seuls groupes récents qui envoient vraiment.
D : Après, on n’aime pas que les guitares mais c’est vrai qu’on est très guitares (rires).