Billie : « Avec la musique, tu déposes un truc très personnel dans les mains du monde. Et tu regardes ce que ça devient. »

Avec j’avance, son premier EP, billie a pris un bel élan, sur la scène musicale comme dans nos cœurs. On a parlé avec elle de Londres, de coming-of-age, de doutes et de déclics, en chemin vers une Maroquinerie qui marque une nouvelle avancée. On vous laisse découvrir.

crédit photos : Cédric Oberlin

La Face B : Hello billie, comment vas-tu en ce moment, avec tout ce que tu vis ?

Billie : Eh bien, ça va très bien. Il se passe plein de choses nouvelles, des choses chouettes. C’est intense, un peu fou, mais franchement, c’est trop bien. Tout est encore en train de se mettre en place, j’en découvre un peu tous les jours. C’est un rythme soutenu, mais j’ai l’impression que plus ça avance, plus ça va me plaire. Enfin, je me le souhaite.

LFB : Il y a une vraie accélération depuis quelques mois : l’EP, les premières dates, la tournée… Tu as eu le temps de tout digérer ?

Billie : Oui, complètement. Il y a beaucoup à mettre en place, et en parallèle, il faut aussi intégrer tout ça mentalement. Parce que tout est nouveau, et parfois un peu vertigineux. Mais globalement, je suis très heureuse.

LFB : Depuis tes débuts sur scène jusqu’à cette tournée avec Clara Luciani, les choses ont semblé s’enchaîner très vite. Comment tu as traversé ce changement de rythme ?

Billie : Ce qui est marrant, c’est que de l’extérieur, on a l’impression que tout est allé super vite. Mais de l’intérieur, tu prends quand même un peu le temps de digérer chaque étape. J’ai cette chance énorme d’être bien entourée, par des personnes présentes, bienveillantes, qui me conseillent et m’aident à structurer tout ça. Mais c’est vrai que ce qui m’a le plus marquée, c’est le contraste entre le moment où t’es seule à tout faire et celui où t’as une équipe autour de toi. Du jour au lendemain, tu te retrouves avec des gens qui travaillent avec toi, pour ton projet. Et au début, c’est un peu étrange. Il faut le comprendre, l’intégrer. Et puis très vite, ces gens deviennent des piliers. Tu les vois plus que ta propre famille. C’est ça, je crois, le plus intense : la vitesse à laquelle les liens se créent.

LFB : J’imagine qu’il faut mobiliser beaucoup d’énergie pour gérer ce type de transition. Comment tu as vécu ces premières parties, face à des scènes immenses et un public qui ne te connaissait pas forcément ?

Billie : Oui, c’est arrivé un peu de manière absurde, en vrai. Mes tourneurs n’étaient pas forcément en train de chercher ce genre de dates. Et puis avec Clara, on s’était croisées une ou deux fois, et j’ai l’impression que ça s’est décidé naturellement. En tout cas, de mon point de vue, c’est un peu tombé comme ça. Et oui, au début, c’était déroutant. Tu débarques devant une foule immense sans avoir vraiment eu le temps d’apprivoiser ton rapport au public. J’étais assez bloquée, en vrai. J’arrivais pas à être présente avec les gens. J’en ai parlé à Margaux (Vera Daisies), ma guitariste et amie, en mode : « Je me sens trop déconnectée, ça me fait bizarre ». Et elle m’a dit un truc simple mais qui m’a vraiment fait basculer : « On t’a donné une opportunité folle, prends-la, sois dedans ». Et à partir de là, j’ai changé d’état d’esprit. J’ai arrêté de voir une masse, et j’ai vu des personnes. Des personnes avec leurs vies, leurs galères, leurs corps. Ça m’a apaisée.

LFB : Et le fait de jouer devant un public qui n’est pas venu pour toi, c’est souvent un défi pour les artistes. Comment tu l’as vécu de ton côté ?

Billie : Clairement, si on avait pu faire plus de dates, ça aurait été idéal. Mais bon, chaque parcours est différent. Et là, c’est une chance qui nous est tombée dessus, donc on l’a prise. En plus, Clara est vraiment une artiste incroyable. C’est pas juste une grande chanteuse, c’est une personne super. Et ça change beaucoup de choses. Ce serait pas pareil si on ouvrait pour quelqu’un d’infantilisant ou d’agaçant. Là, on était vraiment content.e.s d’être là. Même si les gens s’en fichaient un peu au début, on s’est dit : « On va tenter d’en accrocher quelques-un.e.s ». Et finalement, ce qui paraissait impressionnant au début l’était de moins en moins au fil des dates. À la fin, on était détendu.e.s, on prenait du plaisir. On était entre potes, sur scène, et ça, c’est précieux. Et en parallèle, moi je découvrais ce métier, je comprenais que c’était ça : écrire chez soi dans une intimité totale, et le lendemain, livrer ces textes sur scène à des inconnu.e.s. C’est un mélange bizarre, mais j’adore ça. C’est le début de quelque chose.

LFB : Comment as-tu rencontré les musicien.nes qui t’accompagnent aujourd’hui sur scène ?

Billie : J’ai d’abord rencontré Amélie, une batteuse incroyable qui est devenue une très bonne amie. Et quand il a fallu chercher des guitaristes, je lui ai demandé si elle connaissait des gens chouettes. C’est comme ça que j’ai rencontré Margaux, puis Lou. On s’est super bien entendus. Ensuite, ça s’est poursuivi naturellement, avec Myriam, Juliette… C’est devenu un groupe où les énergies féminines et queer sont très présentes. Mais ce sont surtout des musicien.nes géniaux, en fait. Ce qui fait vraiment la différence, c’est l’ambiance. L’énergie du groupe. On partage quelque chose de sincère, de solide, de doux aussi. Et ça, ça change tout.

LFB : Et du coup, comment vous avez construit ce live ? Tu avais une direction artistique précise en tête ?

Billie : En vrai, ça s’est fait un peu dans l’urgence. Pas n’importe comment, mais il fallait aller vite. On venait de terminer l’EP, on était en plein mix, et on s’est dit : « OK, il faut préparer le live, on a une première date en septembre ». Comme c’était essentiellement des premières parties, on savait qu’on aurait 30 minutes. Pas plus. Et avec peu de moyens. Pas de batteuse à ce moment-là, donc on est parties sur deux guitares et des séquences. La guitare, c’est l’instrument central de l’EP, donc c’était logique. Et puis c’est marrant, deux guitares au lieu du classique guitare-basse, ça me plaisait. Margaux est très forte en MAO, elle a ajusté des trucs, mais globalement on a gardé les bandes de l’EP. Ce live-là, il était très minimaliste, très fonctionnel. Idéal pour les formats courts. Mais maintenant, on change tout. On prépare une nouvelle configuration. Il y aura une batterie. Des morceaux inédits. Et un vrai travail sur le son, les dynamiques, l’intensité. La Maroquinerie, c’est une autre étape. Plus longue, plus dense. Et j’ai envie que le live suive ce mouvement là, qu’il gagne en ampleur.

LFB : Si on revient un peu en arrière, même si ça semble évident, qu’est-ce qui t’a menée vers la musique ? Tu baignes dedans depuis toujours, mais à quel moment c’est devenu une évidence pour toi ?

Billie : J’ai toujours écrit, toujours chanté. Mais après le bac, j’étais un peu perdue. Je suis allée en école de musique, c’était bien, mais j’étais un peu dans le flou. Et puis j’ai commencé à douter, à me dire : est-ce que c’est vraiment ça ? Est-ce que je ne me suis pas un peu auto-convaincue ? Et finalement, je suis partie à Londres. Et là, il y a eu un espèce d’alignement. La solitude, la ville, les rencontres, la musique… C’est là-bas que j’ai compris que j’avais besoin de faire ça. Pas parce qu’il faut percer, pas parce que c’est stylé, mais parce que j’en ai profondément besoin.

LFB : Et c’est là que l’EP a commencé à naître ?

Billie : Oui, c’est à Londres que tout a démarré. Il y a un morceau que j’avais déjà écrit depuis longtemps, mais tout le reste est né là-bas. Les premières idées, les premiers textes. Et ça a pris du temps. On a retravaillé les morceaux des centaines de fois. Ils sont passés par plein d’étapes. C’était la première fois que j’écrivais en me disant : « ça va sortir, ça va être écouté ». Donc je me suis beaucoup prise la tête. Mais tous les déclics sont venus là-bas. Et mon mec était là aussi, à Londres. On a tout construit ensemble.

LFB : Et musicalement, on sent une patte anglaise dans ta musique. Shoegaze, post-punk, cold wave… C’est hyper rare d’entendre ça chez des artistes françaises, encore plus porté par une voix féminine.

Billie : C’est un truc qu’on avait envie d’assumer. Une voix chantée, très présente, presque éthérée, avec une prod parfois hyper agressive. Il y avait ce contraste qu’on voulait explorer. Les Cocteau Twins, les Cure, Talking Heads… Ça fait partie de ce que j’écoute depuis toujours. Et puis plus récemment, j’ai découvert Amyl and the Sniffers en live. Ça m’a retournée. Mon mec m’avait déjà fait écouter quelques titres, mais c’est en live que j’ai vraiment accroché. Maintenant, j’écoute tout ce qu’ils font. Pareil pour des artistes comme Amiina ou Viagra Boys. Tu vois un live, ça te débloque l’oreille. Il y a plein de choses que je ne pouvais pas écouter avant et que maintenant je comprends mieux, je ressens autrement. Mon oreille a pas mal évolué.

LFB : Et en parallèle de ça, tu t’inscris aussi dans cette génération de meufs talentueuses qui arrivent avec des textes hyper crus, hyper directs. Il y a un vrai truc qui se passe en ce moment.

Billie : Je suis d’accord. Il y a une énergie queer, inclusive, très ancrée dans le réel. Ça parle de trucs durs, de manière très frontale, mais jamais dans le pathos. Moi, dans cet EP, j’ai voulu raconter ce moment de bascule : le premier deuil, le premier crush, les angoisses, le monde qui devient trop grand. C’est venu très naturellement, comme un besoin. J’écrivais pour poser, pour comprendre. Et je crois qu’au fond, j’ai aussi voulu me protéger avec ce disque. Trouver de jolis mots pour dire des choses dures. Mais aujourd’hui, quand j’écris, je me planque moins. Je vais plus directement à l’intérieur. Et ça, c’est aussi une évolution.

LFB : C’est très coming of age, en fait. On sent ce passage, entre les premières douleurs, les premiers émois…

Billie : Oui, c’est exactement ça. Et ce qui est fou, c’est que ce premier EP m’aide déjà à penser la suite. Il me sert de repère. Il me rappelle où j’en étais, ce que je traversais. Et maintenant que je continue à écrire, je sens que ça va plus loin. Que ça se précise. C’est très intime. Mais en même temps, ça m’aide à me construire. Et puis j’aime bien l’idée que chacun puisse se l’approprier. Que ces chansons, même si elles parlent de moi, puissent devenir autre chose pour d’autres. C’est ça aussi, faire de la musique.

LFB : Qu’est-ce que ça change pour toi, de voir tes chansons entrer dans la vie des autres ?

Billie : C’est fou. Parce que tu écris ces morceaux dans ton coin, parfois dans des états très bruts, très intimes, et un jour ils deviennent publics. Et d’un coup, les gens s’en emparent. Tu n’as plus vraiment prise dessus. Ça devient leur chanson. Leur souvenir. Et ça, c’est un truc que je trouve dingue. Tu ne sais jamais comment ça va résonner, ni chez qui. J’ai eu pas mal de retours très différents. Il y a des gens qui m’ont écrit pour me dire que tel morceau les avait aidés dans une crise d’angoisse, ou leur avait rappelé un moment précis de leur vie. Et je trouve ça génial. Je pense que c’est aussi pour ça que je fais de la musique. Tu déposes un truc très personnel dans les mains du monde. Et tu regardes ce que ça devient.

LFB : Merci billie pour tes mots, on a hâte de te retrouver sur scène à la Maroquinerie. C’est une belle étape.

Billie : Merci à toi !

Retrouvez les actus de billie sur Instagram, et foncez la voir à la Maroquinerie le 27 mai prochain !

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