Born Idiot s’est déconfiné avec Full Time Bored

Les cinq gars de Rennes Born Idiot sont de retour cette année avec l’album Full Time Bored, un projet qui devrait donner des ailes à leur carrière tellement il est abouti. Marqué par un univers indi-pop ultra mélancolique, Full Time Bored c’est un peu ces artistes bourrés de rêves dont on coupe les ailes et qu’on enferme chez eux. Le résultat ? Des synthés vaporeux, une voix lancinante pleine de regrets et des mélodies languissantes parfois transpercées par un rayon de lumière.

Review : Born Idiot - Full Time Bored | La Distillerie Musicale

Sujet superbe qu’est l’ennui, il est illustré par une pochette aux allures de maison de poupée. Enfant, on a tendance à le fuir. Devenus adultes coincés dans une pandémie mondiale, nous n’avons eu d’autres choix que d’y être confrontés à nouveau. Seuls avec nous-mêmes et nos pensées, l’album retranscrit à merveille ces moments d’angoisse, de nostalgie et d’évasion que l’on s’est permis.

Une petite intro de 20 secondes qui psalmodie « Full Time Bored », (nous actuellement pendant nos soirées quoi) afin de nous balancer direct dans un univers maussade mais coloré. Rassurez-vous ce n’est pas prophétique des 40 minutes qui suivront. 

Embarquement immédiat avec un petit synthé aux allures de 8 bits sur Blue Is My Color, un des premiers singles sortis. Couleur du songe et de la sérénité, la chanson est une ode à la procrastination. Occasion de découvrir aussi les membres du groupe version robotique dans un clip ultra esthétique.

Balade aux allures jazzy avec My One True Sin, et un mix un peu étouffé qui donne au son une allure vaporeuse. La voix se réinvente au fil des couplets, parfois psalmodie en post punk, ou chantonne de façon juvénile. C’est un des sons les plus accrocheurs de l’album. 

Second titre à avoir bénéficié d’un clip, I’d Rather Lie exprime à la perfection les masques de bonheur que l’on s’inflige à porter auprès de nos proches ou sur les réseaux sociaux, notamment après une rupture. Ils en deviennent presque un soulagement afin d’éviter d’être confronté à notre triste réalité. 

Des titres plus lumineux parviennent tout de même à se faufiler à travers à l’album tel que No Pity et ses envolées vocales entrecoupées de chuchotement susurrés à l’oreille, ou Wet Slippers et son refrain sous forme de ballade romantique et charmante. La façon un peu désespérée dont la voix est poussée est pleine de grâce, et on regrette presque la fin un peu abrupte. On adorerait voir ce genre de moments un peu plus longtemps !

Beaucoup de soul aussi dans cet album avec des intonations sixties assaisonnées de dream pop avec notamment A Coin for the Jukebox, ou Asphalt et ses petites mélopées psychédéliques. 

Petit coup de cœur aussi pour You Robot et son rythme de guitare funk qui laisse place à un refrain aux allures ultra cinématographiques qu’on imagine à merveille accompagner une idylle adolescente sur une plage à la fin des vacances d’été. Un coucher de soleil sur nos instants de bonheur.

Dernier morceau de l’album Trailer Park est une parfaite conclusion à ce moment d’évasion. Entre le pop rock années 2000 et la ballade à la guitare acoustique des années 70, c’est un moment plein de grâce qui permet de dessiner un léger sourire mélancolique sur nos visages avant de se faire abandonner. Une nouvelle fois, la voix est superbe lorsqu’elle est un peu plus poussée! Le morceau est définitivement une petite pépite. 

Album écrit dans un contexte particulier et qui transmet des sentiments très connotés, il est important de se mettre légèrement en condition afin de pleinement apprécier le voyage proposé. Un chocolat chaud sous une tempête de neige, une balade nocturne dans une ville déserte, une clope sur les toits de Paris, bref tous les clichés de la nostalgie dépressive conviendront. Ce qui compte c’est de prendre le temps de s’immerger dans l’état qui nous est offert, d’y consacrer un peu d’attention, car il a ce mérite de transformer des moments difficiles (coucou le confinement) en expérience sociale et sublime. Les amateurs des mélodies maniaco-dépressives de Mac DeMarco ou des synthés dreamy apprécieront grandement l’expérience. Une petite curiosité qui résonnera longtemps encore en nous.