Le bruit et la noirceur d’i Häxa

Il est bien difficile de poser des mots sur le projet i Häxa qui a trouvé refuge chez les Allemands Pelagic Records. Un projet pour le moins ambitieux porté par la chanteuse Rebecca Need-Menear (issue du duo Anavae) et Peter Miles (producteur d’Architects, Dodie, Fizz). Depuis février dernier, ils ont répandu leur premier album sous la forme de quatre EP de 4 pistes. L’album sans titre est une compilation de tous ces objets courts mis bout à bout. Une œuvre fleuve complexe scindée en 4 chapitres. Pour essayer d’en parler de manière habile, on a pris le temps d’écouter chaque EP séparément.

Part One

Tout doit commencer quelque part mais si la fin était l’aurore ? i Häxa ouvre son opus sur un paysage de fin du monde. Underworld embarque l’auditeur dans la brume où l’éclair trouve refuge. La voix de Rebecca Need-Menear est lancinante. Le paysage obscur se purifie dans les dernières secondes. Inferno qui prend la suite n’est pas chanté, l’angoisse est palpable. Rebecca Need-Menear serait comme une enfant d’un film dystopique qui se cacherait dans un grenier, narratrice en voix off. Le morceau laisse la place à des ombres de créatures fantastiques, une dominante brutiste qui s’achève sur un piano qu’on imagine poussiéreux. Last At The Table apporte une once de douceur réconfortante et sa petite sœur Sapling, qui clôt ce premier chapitre, révèle des couleurs trip-hop, plus ancrables dans une rêverie jusqu’ici orientée vers le cauchemar.

Part One est un premier chapitre très sombre, à l’imaginaire apocalyptique très puissant.

Part Two 

Eight eyes invite un instrument qui n’aurait pas eu sa place sur le premier chapitre : une guitare acoustique. Rebecca Need-Menear ne raconte plus, elle chante. Plus pur, Eight eyes laisse présager un voyage plus chaleureux. We Three est une épopée plus riche, prend un chemin de balade au piano qui pourrait faire penser à Skyfall pour son aspect grande orchestration, sa profondeur. On ne s’attendait clairement pas à ça à mi-chemin. Et pour la conclusion Fog Of War, l’orchestration se désaccorde, la noirceur et la désolation reprennent le dessus, le chant redevient du parler.

Là où Part One puisait son inspiration dans les paysages détruits, Part Two est plus mystique.

Part Three

Cette fois-ci Rebecca Need-Menear murmure. Army entretient une ambiance mystérieuse, comme insaisissable. Une tempête au loin dans le paysage aspire par à-coup ce qui lui ferait face. Dryland qui prend la suite se joue d’une voix lointaine et surprend lorsque le morceau gagne en puissance soudaine pour mieux s’atténuer afin d’offrir une transition à Oils & Inks. Sorte de reprise de souffle, Oils & Inks nous renvoie à l’image d’un paquebot qui s’avance dans la pénombre en laissant s’échapper un gros coup de sirène avant de totalement disparaître. Destroy Everything annonce un grand chambardement à la texture industrielle. Une fois n’est pas coutume, on repense à une ouverture cinématographique. Le hasard est total, Daniel Craig était là aussi au casting. Il s’agit de celle de Millenium : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes. La chanson en question ? Immigrant song revisitée brillamment par Trent Reznor, Atticus Ross et Karen O.

On quitte le mysticisme de Part Two pour des textures inattendues, plus virulentes, plus bruyantes.

Part Four

Vessel qui ouvre ce chapitre final souligne toute la complexité du projet. Le clavier est délicat mais comme suspendu dans l’air, en arrière-plan sonore un bourdonnement qui fait penser à des pales qui tournent à pleine vitesse. Blue Angel nous rappelle la course entamée plus tôt avec l’introduction de We Three. Virage digne d’un morceau de drum and bass, Infernum tente une orchestration, le rythme s’accélère, s’intensifie toujours plus. On frôle l’épique avec la présence du violon. Circle est une conclusion lumineuse où piano et violon dialoguent ensemble. Rebecca Need-Menear reprend la voix pure, apporte une tendresse qu’elle avait laissée dans la première partie, la mélancolie évidente au cœur.

i Häxa déploie un univers cinématographique esthétique, pour le moins qu’on puisse dire, singulier. Le duo emprunte autant à la noirceur qu’à l’onirisme en passant par le spirituel. Les différentes ambiances peuvent faire penser à celle que l’on surnomme la prêtresse noire ; Chelsea Wolfe qui aurait fusionné avec Björk. Mais il faut bien reconnaître que si les chemins pris sont similaires, ils ne mènent pas à la même destination. Après une telle sortie, il est bien difficile d’être demandeur d’une suite immédiate. Si nous avons eu connaissance du projet une fois terminé, on comprend la nécessité de dévoiler l’objet tout au long de l’année tant les textures sont riches et pour le moins complexes. Ecouter d’une traite est une vraie prise de risque auditive. Nul doute que les concerts laissent présager des moments intensément théâtraux.

Retrouvez i Häxa sur Facebook et Instagram

1 réflexion au sujet de « Le bruit et la noirceur d’i Häxa »

Laisser un commentaire