Working Men’s Club vient affronter ses peurs

Les mancuniens de Working Men’s Club débarquent au cœur de l’été avec un nouveau disque chauffé à blanc. Frénétique et dansant, Fear Fear est la catharsis d’un artiste prolifique toujours hanté par le Post-Punk et la New-Wave des années 80.

artwork de Fear Fear

Deux ans après le très remarqué premier album éponyme du projet de Syd Minsky-Sargeant, Fear Fear dessine un second opus marqué par l’angoisse et l’incertitude, bien que toujours aussi assuré. Plus que jamais, Working Men’s Club fait le choix de la transe pour conjurer l’accablante dystopie qui semble sceller nos existences branlantes.

Inquiétant, Fear Fear l’est d’entrée de jeu. 19 ouvre le disque sur un drone oppressant, un grondement qui ouvre la voie à un beat techno déjanté, frôlant l’acid house. Des nappes orageuses de synthé assombrissent le décor, tandis qu’un hook synthétique appelle déjà la transe. Ainsi donc, on se retrouve pris entre ombre et lumière. C’est cette dualité qui fera en grande partie la force de ce disque.

De titres crépusculaires, comme l’éponyme Fear Fear et son urgence claustrophobique teintée de sonorités industrielles, au cafardeux Widow et ses chœurs hantés, WMC se fait Coldwave. Face à une telle ouverture d’album, on comprend vite que cette période trouble nourrit le désenchantement intense de la génération Z. D’un autre coté, le beat techno lo-fi de Rapture et ses riffs déchirés portent l’errance solitaire de Sargeant dans un monde vide et en déclin. La très Japan-esque Cut expose un ras-le-bol dantesque, d’un air mi désabusé mi vindicatif, balance un « Rake in your ideals / Cancel all objectives » qui sera suivi par « Cut the pigs up / Make a decision / Fight, cut, fight, cut / End this division ».

Ça prouve que WMC ne se laisse pas abattre. Si bien que la majeure partie du disque luit d’une étrange lumière. Des bribes d’espoir, certes. Mais aussi, et surtout, la lumière transcendantale de clubs moites dans lesquels le corps prend le dessus sur l’esprit. S’il est indéniable que l’ombre de New Order ou du Depeche Mode des débuts plane sur ce disque, la Synthpop de The Human League ou de Visage a trouvé une place de choix dans la plupart des morceaux.

Prenons l’exemple de l’entraînante Heart Attack, ou encore de la fulminante Money is Mine. L’omniprésence de ces basses séquencées et des ces synthétiseurs stupéfiants, la boite à rythmes qui tourne en boucle… Tout cela ensorcelle et galvanise. Les refrains sont délicieusement hypnotiques. Le parti-pris d’un pessimisme lyrique posé sur une certaine forme d’optimisme musical est mis en exergue par le planant Circumference. Le laisser-aller est de mise sur ce disque. La danse n’est peut-être pas une solution en soi, mais elle est un parégorique. Le rythme syncopé de Ploys, ainsi que son texte, en sont le meilleur exemple. Les synthétiseurs qui se mêlent et tissent une toile sonore complexe et délirante témoignent de l’évolution technique et musicale de Syd Minsky-Sargeant. The Last One viendra par la suite clore le disque sur une échappée psychédélique aux allures Krautrock. Conclusion vertigineuse qui confirme que Fear Fear se voulait grandiose, et l’est.

Ainsi, Working Men’s Club se fait réceptacle de la désolation du monde qui nous entoure. Outre cela, on perçoit la recherche de l’éclat de lumière qui peut encore s’y cacher, quelque part derrière l’ombre grandissante. Syd réalise un disque qui se veut expression du désespoir, mais aussi catharsis utopiste soignant tant bien que mal l’ire de son auteur. Fear Fear précise le style de Working Men’s Club, des influences éclectiques magistralement bien distillées qui forment une quintessence Synthpunk, voire pleinement EBM. On sent globalement que le projet trouve son identité et mûrit. On sent également que la collaboration avec Ross Orton (The Fall, Arctic Monkeys…) s’aiguise. Ce second album affiche une production plus consciencieuse. On décèle aussi une attention toute particulière à la cohérence, dont pouvait légèrement manquer leur premier effort. Moins linéaire et minimaliste, plus complexe, c’est un pari pleinement réussi, qui n’annonce que du bon pour la suite.

A ce propos, Syd Minsky-Sargeant ne semble pas prêt de s’arrêter à en découdre. Inspiré et prolifique, il a annoncé un projet solo et d’autres side projects. Affaire à suivre…

Working Men’s Club sera au Grand Mix de Tourcoing le 10 septembre pour faire revivre l’Haçienda le temps d’une soirée.

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