DVTR ne connait pas le mot pause. Après un premier EP en 2023, le duo canadien a enchainé 2024 avec une tournée au 4 coins du monde et une suite à leur EP appelé Bonjour Bis. On les a retrouvé cet automne au MaMa pour une conversation autour de ces nouveaux morceaux, de leur année et de plein d’autres choses. Alors que DVTR vient de dévoiler un nouveau morceau et sera de retour en France au printemps, l’occasion était idéale pour partager cet entretien.

La Face B : Salut DVTR, comment ça va?
Laurence : Ça va super bien!
JC : Ça va trop bien! Salut! Ça va mieux que je pensais que ça allait aller à ce point-ci dans notre tournée incroyable du monde. C’est une bonne réponse?
La Face B : Ça me va bien, moi. Si vous allez bien, ça va bien.
Laurence : On vient de se réveiller de notre sieste. On est très corrects dans le décalage.
La Face B : Comme la dernière fois, en fait.
Laurence : Oui! Oui, c’est vrai. Mais la dernière fois, on avait trop mangé de nouilles chinoises (rires)
La Face B : Et justement, puisque tu parles de votre tournée internationale, pour un groupe comme vous qui parle de sujets aussi politiques, vous vivez bien votre bilan carbone avec DVTR?
Laurence : Ouais, exact. On voulait faire une chanson là-dessus, genre « Faites ce que je dis et pas ce que je fais« . On a acheté beaucoup d’arbres. La terre explose dans deux ans de toute façon (rires)
JC: Je ne sais pas pour toi, je pense qu’on est un peu nihilistes, tu vois. Je ne pense pas qu’on va changer grand chose à ne pas faire des trucs à ce point-ci. Nous deux, là, deux pauvres petits canadiens montréalais.
Laurence : Ouais, mais en même temps imagine si tout le monde se dit ça, il n’y a rien qui change. Je suis partagée avec ça.
JC : Ouais, mais je pense qu’on est fucked.
Laurence : Bon, ça y est, c’est la fin de DVTR (rires). Non, évidemment, mais je pense qu’on compense avec d’autres trucs. Tu sais, moi, dans ma vie, à la maison, j’essaie aussi de faire attention. Il y a comme une compensation. Quand on est en tournée au Québec, on essaie. On vit correctement avec ça. On en a parlé.
JC : Ben oui, c’est clair. Hé, on y est, on jase.
Laurence : C’est une belle question, quand même.
JC : Mais aussi, tu sais, il y a beaucoup de ces trucs qu’on a fait qui sont des vitrines, comme au MaMA. Pis depuis un an, on dirait qu’on est un peu les espèces de chouchous des vitrines internationales. Pis, moi, je commence à me dire « OK, il y a combien de vitrines qu’il faut faire, là, un moment donné? La prochaine fois qu’on prend l’avion vers la France, ce n’est pas pour faire un seul show à midi devant des pros. Il faut que ce soit deux semaines de show« . J’ai l’impression qu’en ce moment, on fait vraiment des espèces de petites actions, mais après, il faut que ça se transforme en quelque chose de concret qui est plus long et conséquent. Qu’on ne fasse pas juste des micro-vitrines aller-retour partout dans le monde sans arrêt, là. Ça pourrait devenir bien con.
La Face B : Justement. Mine de rien, vous revenez d’une tournée en Corée, au Japon. Vous le vivez comment, cet engouement-là? Surtout que c’est quand même un projet qui est en langue française. Ce n’est pas forcément quelque chose de très évident.
Laurence : J’aurais été étonnée qu’on aille en Chine. Japon-Corée, je pense que ça va. Les Japonais, ils ne parlent pas anglais du tout mais ils écoutent de la musique en anglais. À un moment donné, je trouve ça drôle la barrière de la langue, quand on dit « vous chantez en français, pis vous allez à l’étranger« . Les groupes anglophones, ils chantent en anglais, ils vont en France, ils viennent au Québec, pis on ne se pose pas la question de « ah, c’est en anglais« . Je ne suis pas certaine de comprendre toutes les paroles. On parlait de Eminem l’autre fois, pis on disait qu’on ne comprend pas tout le sens de son texte parce qu’on n’est pas archi-bilingue, pis sa manière d’écrire est différente. Mais on l’écoute quand même, pis on apprécie quand même. Fait que je trouve ça drôle qu’en français on mette l’accent sur « est-ce que c’est bien reçu à l’international? » comme si ça pouvait ne pas être possible.
La Face B : Mais c’est parce que l’anglais, c’est la langue internationale aussi.
JC : Mais on se rend compte que dans beaucoup de pays qu’on a visités récemment, il n’y a à peu près personne qui parle anglais. Mexico City, personne ne parle anglais, tout le monde s’en fout que tu chantes en anglais ou en espagnol ou en français.
Laurence : Si tu fais un bon show, si les gens ont du fun à ton show, pis qu’il y a un décrochage, je pense que peu importe. Ça, je le disais aussi beaucoup avec Le Couleur. Je pourrais chanter en martien. Si ça sonne bien, que tout est bien placé avec l’instrumentation… Mais en même temps, je peux comprendre parce que le punk est censé livrer aussi un message. Je me fiche des Olympiques au Japon, évidemment, ça n’a pas la même ampleur que quand on est venu à Paris à La Mécanique avant les Olympiques.
La Face B : Oui, c’est ça. C’est que malgré tout, pour vous avoir vu en concert, c’est quand même un concert qui joue beaucoup sur l’énergie et sur le côté un peu rentre-dedans de la musique. C’est peut-être ça aussi qui fait que ça marche un peu partout.
Laurence : Je pense que oui. On est super dynamique ensemble. Souvent dans les shows, les gens sont vraiment derrière un instrument. Moi, je n’ai pas d’instrument et j’aime beaucoup grimper sur des objets. Fait que j’ai la possibilité d’aller dans la salle, dans la foule, grimper sur un objet. Lui, il joue de la guitare comme…
JC : Comme Santana.
Laurence : Il y a du dynamisme dans ce show là. Donc, on l’a vu en Corée, au Japon… Ça a fonctionné.
JC : On faisait une entrevue en anglais. Le journaliste me demandait c’était quoi la décision de chanter en français. On dit toujours qu’on a fait un band où on ne voulait pas faire de compromis. Le fait d’avoir décidé de chanter en anglais, pour nous, francophones, ça aurait déjà été un compromis à la base même du projet. On ne maîtrise pas du tout la langue anglaise, pis si on avait fait ça, c’est juste parce qu’on voudrait plus marcher et être plus commercial. Je vais être dur à convaincre que chanter en anglais, ce n’est pas dans l’objectif d’être plus big commercialement et internationalement.
La Face B : Pour certains, c’est de la pudeur d’écrire en anglais.
JC : Ou parce que t’as l’impression que c’est plus facile d’écrire en anglais, mais pour un vrai anglophone, tu n’écris pas bien en anglais. Il y a plein d’anglos qui nous disent ça, que les bands québécois qui écrivent en anglais ça passe bien pour nous, mais pour un vrai anglophone c’est un peu bébé.

La Face B : Du coup, vous revenez là avec BONJOUR (BIS). J’ai une question très bête : pour moi, les nouveaux morceaux qui sont dans l’EP sont complètement différents et aurait pu faire l’objet d’un EP à part entière. Je me demandais pourquoi vous aviez eu envie de faire un EP global avec les anciens titres. Est-ce que c’est parce que c’était un chapitre de l’existence, ce que laisse entendre d’ailleurs le dernier morceau de l’EP?
Laurence : C’est toutes les pièces existantes de DVTR. Vraiment, il n’existe rien d’autre. Si on meurt, vous ne trouverez rien.
JC : En effet, c’est plus une compil de tout ce qu’on a fait. C’est tout simple : on voulait avoir un vinyle, pis on voulait avoir un CD à vendre. Ces chansons-là, ça ne reflète pas ce qui sera peut-être un album en 2025, tu sais. C’était des chansons qu’on faisait séparément dans des moods différents, pis on se disait « ça mérite d’être sur un support physique officiel« .
Laurence : C’est une drôle de carrière qu’on a, parce qu’on a composé dix minutes de musique, pis on s’est fait engager pour des shows de une heure. Là, il a fallu qu’on compose à l’arrache un peu. On s’est dit que c’était dommage pour les gens qui sont venus nous voir en show d’avoir entendu des pièces qu’on ne peut pas écouter, qui n’étaient pas enregistrées. On s’est dit qu’on allait y mettre tout ce qu’on fait en show. En même temps, on avait un objet, le vinyle et le CD qu’on pouvait vendre. La cassette, ça avait des limites aussi à un moment donné. Les gens ont acheté le vinyle. Au Québec, on a fait quatre, cinq shows depuis la sortie, pis des gens qui avaient acheté la cassette sont comme « let’s go vinyle » tu sais.
JC : On avait regardé pour faire un vinyle du premier EP, mais… C’est impossible, là. Un vinyle de six tracks ça coûtait juste trop cher, pis là notre bilan carbone aurait été vraiment à chier. C’est une drôle d’idée, quand même, là. Moi, je trouve ça important de mentionner que ce n’est pas un album. Il n’y a pas de filon artistique, il n’y a pas de thinking… Ce n’est pas une bulle de création.
La Face B : C’est presque une mixtape, en fait.
JC : Ben, ouais. Ça a tout été enregistré dans des endroits différents, dans des moments différents. Quand on va arriver avec un album, il va y avoir une histoire, de la substance.
La Face B : Ce qu’il y a de marrant, c’est que dans des titres comme Les flics (sont des sacs à merde), j’ai l’impression qu’il y a quand même la volonté de faire des tubes.
Laurence : Mais oui, complètement. Mais, tu sais, les deux, on vient de la pop, là. Gazoline, c’était quand même pop-rock. On veut faire des tubes, on veut faire des trucs catchy, on ne veut pas juste faire du bruit.
JC : Les Olympiques, c’était 100 % une espèce de chanson-arnaque-hit de nous qui essayons de titiller la France, là. Ça nous tentait de faire ça. Ce n’était pas un compromis. Le mix, le vocal est plus fort.
La Face B : Il y a un côté très pop.
JC : C’est ça. Est-ce que Les Olympiques représente ce que personnellement je voudrais d’un album à venir de DVTR? Je ne sais pas pour Laurence, mais moi je pense que non. C’est notre espèce de hit summer qu’on balance comme ça, mais qui a justement sa place sur le mixtape. On veut toujours être catchy, c’est du punk pour tous. On le voit dans nos shows. Il y a des punks à chien, mais il n’y a pas juste des gros méchants qui se sautent dessus, il y a des gens de tout acabit.
La Face B : Ce qui est intéressant, c’est que finalement même sur Les flics (sont des sacs à merde), la production est très pop. Il y a ce truc qui attrape l’oreille mais ça rend le projet encore plus disruptif parce que c’est un peu comme mettre un bonbon qui pique dans un enrobage de truc un peu doux, ça surprend les gens après.
JC : En effet. Personnellement, je trouve quand même que c’est un jeu dangereux quand on se met à faire des mix propres, parce que nous on a toujours été dans la simplicité ultime. De retomber dans ces habitudes-là de overthink tout et d’avoir l’impression qu’il faut un gros mix et tout ça, c’est quelque chose qui feel dangereux. Je ne pense pas qu’on veut tomber là-dedans à long terme.
Laurence : Non, non. Mais il faut que ça soit écoutable aussi.
JC : Il y a infiniment plus de temps dans la production des Olympiques que dans tout le premier EP.
La Face B : Mais ce qu’il y a de marrant, c’est que finalement l’énergie et le côté un peu sauvage du morceau ressortent sur scène. C’est que c’est là où il retrouve sa vocation première et son côté un peu frontal.
Laurence : Je ne sais pas si on en avait parlé la dernière fois, mais je trouve ça important quand même d’avoir un album et un show différents. Je trouve ça important qu’en show, ça soit plus comme… « Wow« ! Ça rentre dedans, ça déménage, ça bouge, ça y va.
La Face B : Tout en ayant des morceaux que les gens puissent reprendre, c’est-à-dire avoir un bon refrain pop, mais sur une esthétique punk. Parce que c’est assez marrant de faire chanter aux gens, « Les flics sont des sacs de merde« .
JC : Ben oui. En France, c’est assez facile. Quand on avait joué à La Mécanique, on a fait le premier refrain, pis après on n’a juste pas chanté le reste de la chanson parce que tout le monde faisait juste répéter ça. « Ok, la gang, il n’y a pas de couplet, il n’y a pas de refrain, on va juste répéter cette phrase« .
La Face B : C’est une chanson de manif, un peu.
JC : Ben oui, exact.
La Face B : Mais du coup, moi j’ai l’impression qu’au niveau de l’influence, ça a évolué. On était déjà sur un truc très années 80 mais là, sur la prod, j’ai beaucoup pensé aux Talking Heads, par exemple.
JC : Moi en tout cas, ce n’est pas un band que j’écoute énormément, les Talking Heads, mais c’est quand même un era intéressant, c’est sûr. Mais c’est peut-être avec les percs, beaucoup. En tout cas, je pense qu’on a beaucoup de percs, puis les synthés aussi.
Laurence : Ça a été tough comme mixage, parce qu’on n’était pas là, c’était juste à distance. Fait qu’il y a eu un moment donné, on était rendu à une V13 (rires), en mix, tu te rends à 5, 6, max. Puis là, la V13, on a fait « wow, ok, je pense qu’on a fait des compromis d’un côté et puis de l’autre« . Ce n’est peut-être pas nécessairement vers ça qu’on voulait aller à 100%, mais à un moment donné, il fallait livrer le truc. Moi, je trouve ça propret un peu. On est allés là, pis c’est correct. Je ne suis pas sûre qu’on veut en voir pour l’album, les sonorités 80. Je ne sais pas, je pense qu’on veut ça comme plus sale.
JC : Ça se dit, ça se dit publiquement. Tu vois le mix de Les Olympiques, moi, c’est pas mon mix idéal de chansons. Je pense qu’on va être plus trash un peu, comme on voulait à la base. On s’est un peu perdus dans l’univers du cash.
Laurence : Ouais, c’est vrai, c’est vrai. Je réécoutais les premières versions qu’on faisait pas mixées, pis c’était meilleur on dirait. Mais bon.
JC : Mais non, meilleur? Voyons. Wow.
Laurence : Je te jure.
La Face B : Un morceau comme Pied de poule, qui apparemment est une espèce d’institution chez vous, nous on ne connaît pas du tout. Moi, je trouvais ce morceau-là complètement délirant, justement, dans sa construction et dans le fait de transformer un peu, apparemment, un truc qui est très sacralisé chez vous. Est-ce que vous pouvez me parler de ce morceau-là?
JC : C’est un méga-hit que tout le monde connaît. Mes parents, ma tante et ma sœur connaissent. Ils ne sont pas en musique. C’est vraiment un gros, gros hit des années 80 qui est super new wave. On a mis notre sauce DVTR un peu rentre dedans. Mais la chanson, à la base, est super new wave. Plus propre, évidemment, mais ça arrache quand même. Donc, tu sais, cette toune-là, pour moi, c’était juste évident qu’on l’a cover en show.
Laurence : Je ne sais pas d’où c’est venu. On ne s’en est même pas parlé.
JC : On a eu l’idée, on l’a fait en show, les gens adoraient en show. On s’est dit, « bon, on l’enregistre, boom, easy« . On a fait quelques autres covers, mais c’est la seule qui ça fit complètement avec DVTR. Pied de Poule vient d’une comédie musicale assez grand public des années 80 au Québec, On a essayé de retrouver la chanteuse pour qu’elle fasse un feat. Sans succès.

La Face B : On lance l’appel. Et du coup, on en parlait un peu tout à l’heure, mais l’EP se termine avec Bye, qui est quand même un truc un peu étrange et dissonant. Je me demandais si ce morceau-là, il était un peu comme une porte qu’on claque sur un truc sur lequel on ne peut pas se retourner.
JC : C’est plus un genre d’interlude. Il aurait pu pas avoir de titre. J’ai quasiment l’impression que c’était pour avoir l’air d’avoir plus de tracks sur le vinyle, Je fais du modulaire, je n’arrête pas de vouloir mettre du modulaire dans les chansons. Ça ne marche jamais parce que le modulaire, ça prend toute la place. Ça, c’était juste un noise qu’il y avait qu’on utilisait en show, des fois. Je ne sais pas si tu as écouté la cassette, mais il y a des espèces d’interludes, de musiques d’ascenseur. On aime beaucoup utiliser ces trucs-là dans les shows, sur les albums. Ça fait un peu partie de tout ça, tu sais. Le Bye qui est un clin d’œil au BONJOUR, et qui est juste la fin.
Laurence : Je ne pense pas que c’est un claquage de porte, puis on ne va pas renier tout ce qu’on a fait avant. Mais c’est la fin d’un chapitre, puis on va commencer un nouveau chapitre.
JC : Il n’y avait pas beaucoup de réflexion autour de ça, là.
Laurence : Tu sais, c’est qu’on a l’air vraiment intelligents, mais on n’est vraiment pas intelligents. (rires)
JC : C’est juste… Veux-tu qu’on ajoute ce noise à la fin du vinyle?
Laurence : Ça va s’appeler Bye!
JC : Bye, ok. Boom, c’est tout. (rires). Moi, j’aurais même aimé mettre les muzak (ndlr : musique d’ambiance) dans l’album. On l’avait déjà fait pour les cassettes. On voit des vieux beats, on les met dans le chorus, dans la disto… Pour qu’un album soit un genre de voyage. Mais encore une fois, tout ça, ce n’est pas un album, donc il n’y a pas vraiment de fil conducteur. C’est ça le mot.
La Face B : Ce sera pour le premier album.
JC : Ouais, c’est ça. Il va y avoir un fil conducteur.
Laurence : On a un grand débat sur le premier album.
JC : Ben là…
Laurence : Ben oui!
JC : Mais non. Hey!
Laurence : Vous allez voir si en 2025 DVTR survit au grand débat de l’album!
JC : Elle veut faire 2 EP pour le premier album.
Laurence : C’est tellement une bonne idée.
JC : Ça ne marche pas, ça me choque.
Laurence (rires) Il est choqué!
La Face B : Il y en a plein qui le font en France.
Laurence : Tu vois?
JC : C’est de la merde, là.
La Face B : Ou alors tu fais deux faces complètement différentes.
Laurence : C’est ça que je voulais faire. La balade de Jean-Divorce et Demi-Lune. Une face, c’est Jean-Divorce, l’autre côté, c’est Demi-Lune. Avoue que c’est bon, Charles.
La Face B : Ça pourrait être marrant. Ou alors vous reprenez la même thématique, mais vu de la perspective de l’un et de l’autre.
JC : Moi, je fais ce band pour faire de la musique avec Demi-Lune. Faire des chansons, et sortir des chansons avec Demi-Lune. Idéalement, on chante ensemble et on compose ensemble. Là, on me propose de faire comme KISS ont fait après 25 ans de carrière, c’est-à-dire sortir chacun un album avec leur face. (rires)
Laurence : (rires) Non, c’est pas ça! Passons.
La Face B : Vous êtes nommé.e.s encore au GAMIQ (ndlr : Gala Alternatif de la Musique Indépendante du Québec) cette année. Vous êtes nommé.e.s Révélation Punk et Meilleur Clip Animé. Vous aviez déjà eu un prix l’année dernière. Le fait d’avoir cette reconnaissance-là, est-ce que ça vous touche ou est-ce que vous vous en foutez?
Laurence : Le GAMIQ, ça nous touche, je pense plus que l’ADISQ, qui est l’équivalent à vos Victoires de la Musique. C’est plus corpo, l’ADISQ. Le GAMIQ, c’est plus avec des gens, des artistes qu’on retrouve. Moi, je regarde les catégories, les gens avec je suis nommée et je suis contente, je suis fière. Ce n’est pas quelque chose dont s’en fout. Mais est-ce que c’est quelque chose pour laquelle on est hyper excités? Non, je ne pense pas. Mais c’est un beau clin d’oeil à notre caractère. Révélation, c’est quand même une belle catégorie. C’est celle-là dont je suis le plus contente. Quand les collègues sont comme, « Bravo, vous avez fait parler de vous cette année« .
JC : Révélation, j’avoue que c’est cool. Je ne sais pas si on est vieux et blasé. T’es content quand tu gagnes, une nomination, c’est cool. Mais…
La Face B : T’as l’air blasé.
JC : Non, non, mais t’es content, c’est sûr. T’es vraiment content si t’as le clip de l’année. Pas si t’as fait un des dix, peut-être, clips de l’année.
Laurence : Depuis qu’il est allé au Japon, il est tellement dans la performance. Il veut gagner à tout prix. Non, pas c’est vrai (rires)
JC : Non, je m’exprime mal parce que je suis fatigué (rires). Pis j’ai chaud!
La Face B : J’ai pu comprendre que c’est toi qui t’occupais de vos réseaux sociaux.
JC : Oui, ensemble quand même, mais j’appuie sur ça.
La Face B : Est-ce que tu trouves ça punk de devoir se soumettre aux réseaux sociaux? (rires)
JC : Ça, c’est une question qu’on a souvent eu. On pense qu’en 2024, si tu veux juste uniquement faire de la musique, leader un band n’est pas fait pour toi. Il faut écrire de la musique de film, j’imagine, ou être un session player. Il faut faire un photoshoot, il faut faire des vidéos, il faut faire des meetings avec des labels, il faut poster sur les réseaux sociaux. Tout ça, ça fait partie de l’univers d’avoir! un band. Si tu ne trouves pas de plaisir là-dedans, je pense que ça va être difficile dans cette ère qu’on vit. Pis nous, on a toujours eu du plaisir à faire ça, en fait. Après ça, ça dépend ce que t’en fais, mais c’est un outil incroyable pour parler aux gens. C’est fou, mais c’est ce que t’en fais après.
Laurence : Pis après ça, quand on était au Japon, il y a plein de gens qui venaient à nos shows en disant qu’ils nous avaient vu sur les réseaux sociaux. Ça permet d’aller chercher un public.
JC : Après ça, ce qui est punk finalement, c’est de faire ce que tu veux, quand tu veux. Moi, sur TikTok, des fois je suis un peu trop corpo comme on dit. Pis là, des fois, elle me dit « ok, ça, non, non, non« . J’essaie de jumper sur des trends un peu, je trouve ça fun. Mais j’ai 32 ans, je comprends fuck-all à TikTok. J’ai beau mettre tous les hashtags que je veux, pis mettre la musique de Baby Shark…
La Face B : Moi, je suis trop vieux pour ces conneries.
JC : Les trends, ça peut devenir vraiment ringard. Pis tout le monde a 7 likes. C’est vraiment mouton si t’essaies de jumper sur tous les trends TikTok. Mais t’sais, s’il y a quelque chose qui fit… Si tout le monde se met à faire une cover de Zaho de Sagazan pis que nous, ça nous tente d’en faire une pis on la fait, je ne vois pas ce qui n’est pas punk. Mais si après ça, à chaque semaine, on se force à faire des covers de n’importe quelle band qu’on haït. C’est la fin de notre âme. Ça fait-tu du sens? T’assumes tout ce que j’ai répondu?
Laurence : Ouais.
JC : Super. Merci.
La Face B : J’ai envie de vous laisser libre du mot de la fin.
JC : Dis le mot de la fin.
Laurence : (rires) T’es don ben con! Non, mais ça me fait réfléchir toutes tes questions, pis toute l’entrevue. T’sais, c’est quoi être punk, en fait? Utiliser les réseaux sociaux, est-ce que c’est punk? Tourner? On va laisser notre empreinte carbone, est-ce que c’est punk? Est-ce que c’est contre tes valeurs?
La Face B : Vous avez 4 heures.
JC : Pourquoi essayer d’être punk?
Laurence : Est-ce qu’on fait du punk?
JC : C’est juste la musique. Mais après ça, est-ce qu’on se prétend être des punks?
Laurence : La musique, elle est tu si punk que ça? Je ne sais pas, on dirait qu’on a dit qu’on faisait du punk.
JC : Pour troller des vrais punks.
Laurence : On dirait que c’est lourd de porter le punk. Il faut que tu passes un message, il faut que tu sois revendicateur. Il y a des points auxquels on est sensibles, des points dont on s’en fout. À développer.
JC : On est fake mais on est real parce qu’on s’assume
Laurence : On est real dans le fake. (rires)