eugene : « Les images c’est quelque chose de puissant »

À la mi-juillet, on est parti à Dour en Belgique pour le festival du même nom. L’occasion de découvrir des artistes sur scène mais aussi de discuter avec d’autres, comme eugene. L’occasion était parfaite puisqu’il vient de dévoiler un nouvel EP : World End. Un projet qui nous permet de faire le point sur son début de carrière.

eugene

Augustin JSM

LFB : On se retrouve à Dour, juste après ta scène, comment s’est-elle passée ?

eugene : C’était trop chouette, on s’est bien amusé !

LFB : As-tu une attache particulière avec ce festival qui est assez réputé en Belgique ?

eugene : Dour, c’est canon ! J’aime bien l’image que le festival dégage. J’ai fait très peu de festivals dans ma vie et ça m’a touché qu’on m’ait proposé cette scène. En plus, elle vient clôturer la saison et c’est une grosse scène. Et depuis la release party c’est une des premières fois qu’on va jouer le nouveau projet sur scène.

LFB : Souvent, le festival est connu pour son public, comment l’as-tu senti ?

eugene : C’est difficile à dire parce qu’il y avait une distance entre la scène et le public avec les crash, et le fait que je sois un peu myope n’a pas aidé (rires). En tout cas, j’ai senti une énergie, c’est que c’était cool !

LFB : En très peu de temps, tu as déjà pris l’habitude de faire des scènes, c’est quelque chose d’important pour toi ?

eugene : C’est ce que je préfère, c’est le moment où je suis le plus moi-même et où la musique peut le plus se sentir et se vivre. On m’en a proposé pas mal cette année et j’essaye de toutes les accepter.

LFB : Cela t’a-t-il permis de te créer une certaine audience ?

eugene : Je pense que oui ! À Bruxelles on a fait beaucoup de concerts gratuits et il y a des gens que je voyais à chaque date.
Il y a aussi les Rêves Party en France où je vois des gens se déplacer, c’est trop chouette ! Petit à petit, il a des gens qui bougent pour ma musique et ça me fait plaisir.

LFB : Du coup ça a du te changer de jouer en festival ?

eugene : Non pas vraiment. Je rentre dans un live toujours de la même manière : en envoyant tout ! Je réfléchis pas trop, juste assez pour m’acclimater à la scène.

LFB : Tu as sorti un projet il y a peu, as-tu été content des retours ?

eugene : J’en ai pas eu beaucoup en vrai. Les gens les ont plus envoyé à Mano (membre de son entourage, ndlr) qu’à moi (rires).
En vrai, j’ai eu des bons retours de mes proches. Je suis content de comment ça se passe et on va voir comment le projet va vivre.

LFB : Sur ce projet, tu es souvent accompagné par le producteur neophron. Même s’il était déjà là avant, il semble prendre plus de place sur ce dernier opus. Quel a été son rôle dessus ?

eugene : Je l’ai rencontré quand je finissais Paradise Kiss (son précédent EP, ndlr), on organisait les samedis studios à Bruxelles et on se captait au studio de PiERRO (ingénieur du son, ndlr) avec pleins d’autres rappeurs et producteurs pour faire de la musique. Après, on a commencé à aller au studio tous les deux. On est devenu amis et du coup, il était là du début à la fin de World End. En parallèle, ego8 (autre producteur avec lequel eugene collabore souvent, ndlr) était assez occupé et du coup, neophron m’a accompagné dans tout le processus.

LFB : Tu as cité plusieurs noms car derrière toi, il y a toute l’entité XXL, qu’est ce que ça représente pour toi ?

eugene : C’est mon équipage ! On a chacun des choses à amener, on peut se reposer mutuellement les uns sur les autres tout en avançant ensemble.

LFB : Quelque chose que peu de gens savent, c’est que de base tu viens d’une école assez « scolaire » du rap. Tu en gardes un héritage dans tes créations actuelles ?

eugene : Forcément, c’est mes racines ! Je pense que ma musique les conserve en elle malgré toutes les sonorités hyperpop/électroniques. Il y a quelque chose d’hip-hop dans ce qu’on fait et c’est ce qui nous lie.
Puis l’écriture ça a toujours compté pour moi, je me casse autant la tête dessus que sur la musique. Je pense que le côté rap scolaire avec lequel j’ai grandi et commencé à faire de la musique est toujours là.
Si demain, on me propose un gros freestyle comme une Grünt, on sera là pour le faire et tuer le mic, parce que c’est ce qu’on a toujours fait !

LFB : Comme tu l’as dit, ta musique se nourrit aussi de la musique électronique. D’où cela te vient-il ?

eugene : Ça fait un petit temps que c’est là, depuis 2020, qui a été un mouvement charnière de ma vie en plus du confinement. À cette époque, je trouvais que ce qui se faisait dans le rap francophone s’essoufflait pas mal et du coup, je suis tombé sur pleins d’autres scènes. L’album qui a grave changé ça, c’est how i’m feeling now de Charli XCX. J’en parle souvent car ça a vraiment été ma porte d’entrée qui m’a changé et a changé mon rapport à la musique.
En parallèle, avec ego8, on s’était un peu perdu de vue et quand on s’est retrouvé on s’est rendu compte qu’on se prenait les mêmes choses, c’est là-dedans que notre amitié s’est nouée.

LFB : Ça t’as pris combien de temps pour combiner ton héritage à ces nouvelles découvertes ?

eugene : Ça s’est fait tout seul, je l’ai pas calculé. À l’époque je terminais un EP que je faisais sous un autre nom qui s’appelait chambre rouge et qui était encore bien rap. Puis il y a le confinement, ensuite je pars vivre six mois à Rome et quand je reviens à Bruxelles j’ai grave envie de faire autre chose. Au fur et à mesure, on fait T’aimes bien quand c toxic ? avec ego8 et NEO TOK!O qui de base était un morceau à huit issu des fameux samedi studios dont je t’ai parlé.
Ça s’est donc fait naturellement, puis on a pu encore expérimenter avec Paradise Kiss et là maintenant, on essaye de maîtriser un peu plus le tout ! Je pense que ça se fait continuellement et que ce n’est jamais vraiment fini, du coup on continue d’envoyer.

LFB : Tu entretiens un vrai rapport à l’image aussi, que ça soit pour tes clips ou pour tes visuels. Comment travailles-tu cet aspect entourant ta musique ?

eugene : Je trouve ça super important. J’ai toujours aimé dessiner même avant de faire de la musique. Je trouve que les images c’est quelque chose de puissant. J’essaye de mettre beaucoup d’images dans mes récits, donc forcément, ce qui est cover et clips je m’y applique à fond.
J’ai besoin de travailler avec des personnes dont je connais déjà l’univers et avec qui je sais qu’on va se comprendre. Souvent je bosse avec les mêmes gens : quand je fais des clips avec ego8, on les co-réalise ensemble, avec lakaz c’est différent, je le laisse solo à la réalisation et du coup il a carte blanche. J’aime bien donner carte blanche aux artistes avec lesquels je bosse. Je leur présente un peu l’univers sur lequel je suis et puis je leur demande ce que ça les inspire.

LFB : Du coup tu les laisses faire entièrement, où tu occupes une certaine place dans ce processus ?

eugene : En fait, c’est toujours des échanges. Je travaille beaucoup en discutant. Mais j’aime faire confiance totalement à la vision des gens avec qui je collabore. Souvent ça fait sens et ça colle !

LFB : Que ça soit tes clips ou ta musique, j’ai l’impression qu’ils transpercent une envie de raconter des histoires. As-tu des oeuvres de référence qui t’ont emmené dans cette direction ?

eugene : Je pense que tous les films, les livres et même les musiques que j’écoute viennent m’apporter des images qui permettent de mieux comprendre la réalité autour de moi.

LFB : Pour terminer ta journée, tu vas un peu profiter des autres concerts ?

eugene : Oui, j’ai hâte de voir Bladee là, il y a Eloi aussi, une vraie dinguerie sur scène ! J’irais aussi voir 070shake en vrai et là je loupe Prince Waly mais beaucoup de respect pour lui.