Cette semaine, nous poursuivons notre exploration de la scène angevine. Si Bermud nous avait déjà fortement enthousiasmé (chroniqué ici), Fragile n’est pas en reste ! Derrière ce nom, on retrouve des membres anciens et actuels de Wild Fox, LANE, Scuffles ou Dogs For Friends. Le quintet délivre une musique sans concession où la pureté d’un phrasé rencontre la violence sonore du punk hardcore. Vous aimez Touché Amoré, Title Fight ou encore La Dispute ? Alors, l’EP …About Going Home est pour vous. Si la sortie est prévue le 9 juin sur le label Twenty Something, Fragile révèle aujourd’hui en exclusivité sur La Face B, le premier extrait clippé : Winter at the Museum.
En janvier 2022, Fragile sort un titre, Take Care. Il est accompagné d’un superbe clip épuré, où deux personnes âgées dansent ensemble, sur une piste qui n’existe que pour eux. Oui, mais un titre. Que j’ai écouté en boucle, touchée par ces cris et ces paroles si justes. Évidemment, je manquais par la même occasion leur unique concert en région parisienne au début de l’été. Que de frustration. Et depuis, plus rien. Rien à écouter.
En effet, le groupe préparait secrètement la sortie de cet EP, celui dont les prémices virent le jour lors du confinement. Confectionné à la hâte, pendant ces moments creux et vides. Puis, lorsque la vie a repris son cours, ils ont arrêté le temps et déployé les minutes, perfectionnant ainsi les compositions et affinant leurs recherches musicales. Les titres de l’EP ...About Going Home sont le reflet de ces différents instants confinés, entre frénésie et quête de sens.
Et c’est à Winter at the Museum que revient l’honneur de se livrer en premier.
Derrière la caméra, on retrouve Josic Jégu, également guitariste du groupe. Il a déjà de nombreux clips à son actif, dont Take Care. Il réalise ici un travail incroyable sur la couleur, la texture et l’ambiance, magnifiant les corps, les détails et les lieux comme jamais. Ce vélodrome, désert à la nuit obscure. Mais aussi notre inconnu à vélo, Matisse Roche, qui tout à coup s’empare de l’espace. Et tandis que les premiers accords s’installent, il dépose sa veste, comme on baisse la garde. Car sous le blouson de sport, vit de la sensibilité, de la fragilité et de la tristesse. Mais comment être soi autour d’autres moi ? Au chant, Baptiste Pelletier se délecte des mots et les pousse vers la sortie : « I got use to be late, float on the pavement, hide myself in waste and lost it in silence ».
Alors, c’est au sein de ce lieu inoccupé que Matisse trouve du réconfort et prend de l’assurance. Et tandis que le refrain débarque subitement : « And now I remember my face /and I recover », c’est face à nous une personne transformée : « and now I remember my friends/I’ll be better ». Le corps se mouvoie, s’étire et s’étend. Gestes désarticulés et décomplexés. Une danse désordonnée mais portée par l’urgence de vivre. D’exister. Un moment suspendu, loin des autres, loin du regard perçant et inquisiteur. Josic, Jean-Baptiste, Manuel et Félix assurent les chœurs, avec un entrain jouissif et une candeur désarmante, ajoutant une couleur pop à ce titre rugissant.
Délicatement, il est temps de quitter Matisse, qui est étendu par terre. Épuisé mais surtout rasséréné. Un instant, l’image devient noire, nous dirigeant ainsi vers la sortie. On y retrouve Matisse, prêt à quitter les lieux. Il remet alors sa veste et s’empare de son vélo, bouclant la boucle. Des notes s’élèvent. C’est en effet Overview, un interlude inspiré de Turnstile et présent sur l’opus. Une jolie manière finalement de vous avouer que Winter at the Museum aura une suite…
Au sein de ce vélodrome, Matisse a enfin la possibilité de se retrouver face à ses pensées et peut extérioriser sa peine et sa rage. A la manière de ces musiciens chevronnés qui choisissent la musique et l’écriture comme certain.e.s la natation ou le chocolat. Les mots deviennent ici thérapeutique et cathartique tels des échos d’une santé mentale fragile. Ainsi, naissait le nom du groupe, bâti sur les aspérités et les vulnérabilités de Baptiste. Des failles que les autres membres du groupe comprennent et partagent. Car au-delà du groupe, existe aussi une belle histoire d’amitié, une safe place pour s’exprimer.
L’EP … About Going Home est donc attendu pour le 9 juin prochain. Il a été enregistré et mixé par Elliot Aschard (Bermud) et Stw Dust à La Cuve, à Angers. Et je peux déjà vous dire que je l’écoute en boucle et que j’ai hâte de vous en parler.