Pendant toute l’année 2021, La Face B a suivi les artistes et les salles de concerts à travers le Not Dead Project. Maintenant que l’horizon s’éclaircit légèrement et que les concerts reprennent, on a décidé de poursuivre notre volonté de suivi et de prise des paroles des artistes avec Finally A Live ! Dans ce nouveau format, nous partons à la rencontre des artistes pour parler de live et l’impact qu’a pu avoir la crise sanitaire sur leur manière de vivre cet élément si essentiel à leurs existences et à la nôtre. Aujourd’hui, on va à la rencontre de Blumi et Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp à l’occasion du Coconut Music Festival.
BLUMI
LFB : Comment as-tu vécu ton premier concert post covid ?
Blumi: Quand est-ce que c’était ? Je crois que c’était sur la première partie de la chanteuse La Chica. Elle faisait du piano-solo. Elle était dans une salle de musique classique Salle Gaveau. J’ai fait la première partie en guitare-voix. Je n’avais pas du tout de machine et de synthé. C’était vraiment génial parce qu’on sentait que le public était vraiment trop heureux quoi! C’est-à-dire que je suis montée sur scène, personne ne me connaissait. Franchement ils étaient là pour La Chica. Tout le monde m’a fait une novation comme si j’étais David Bowie.
Du coup, j’étais genre ‘’salut tout le monde!’’ En fait, tu sentais vraiment que les gens étaient trop contents. Il y avait trop d’amour qui circulait. Paradoxalement un super moment pour faire de la musique lorsqu’on revient un peu au basique. On se rend compte que l’on en a trop besoin, et que ça fait plaisir à tout le monde! Et tous ensemble, c’est vraiment cool!
LFB : As-tu des habitudes qui ont évolué ou changé dans ta façon d’envisager les concerts ou de les vivre ?
Blumi: Je peux pas trop dire, parce que je venais de commencer à faire mes concerts en solo avant qu’il y ai le Covid. Donc, je n’ai pas vraiment eu le temps de prendre des habitudes. Et j’ai plutôt eu de la chance. Finalement, la fin des restrictions sont arrivés au moment où moi, naturellement, ça aurait été le bon moment pour commencer à faire de vrais concerts.
J’aimerais être moins stressée. C’est mon objectif du moment. Hier, j’ avais un concert, et je me suis vraiment entraînée. “Emma, stop quoi! Arrête. Ça te gâche la vie, c’est relou.” Donc, c’est ça mon objectif. Qui sait-je si je vais y arriver ?
LFB : Est-ce que tu prends le temps d’assister à des concerts en tant que spectatrice ?
Blumi: Ça m’a plus manqué d’être spectatrice que de faire des concerts. Et du coup, j’en ai vu pas mal. Parce que cet été, j’ai fait pas mal de festivals. Le premier concert que j’ai eu en tant que spectatrice, c’était le concert de Frànçois & The Atlas Mountains. C’était le premier concert à la Villette à Paris. Mais j’étais surexcitée. On n’avait pas le droit de se lever. On devait rester dans des petits ronds. J’arrêtais pas de me lever et les mecs de sécurité, ils étaient là : asseyez-vous ! Dès qu’il finissai une de ses chansons je criais Waouhhhh!
Et ça m’a donné une énergie… Du coup, j’en ai vu plein des concerts. Je suis allée à La Route du rock et j’ai vu Raoul Vignal, H-Burns , This Is The Kit
Glitter. C’était la grosse jouissance de réécouter les concerts ! Ca fait beaucoup d’émotions, c’est trop bien !
LFB: Vois tu une différence entre un concert assis ou debout ?
Blumi: Pour moi pas trop. Parce que je fais une musique hyper calme. Limite parfois que les gens soient assis, ça me rassure un peu. Je me dis qu’ils ne vont être déçus. Parce que je me dis que les gens post Covid, ils ont envie de faire la grosse teuf et tout. Parfois, je me sens un peu coupable. Quand ils sont debout devant moi, je me dis qu’ils ont envie de bouger. Et moi je fais des choses assez calmes, assez posées.
J’ai fait les deux, et les deux fonctionnent. En fait, ce n’est pas une question de assis ou debout. Si c’est assis dans un bon contexte, j’en ai fait des assis en journée, sur une petite plage: Un truc trop chou. C’est génial !
Si tu fais un truc assis, ce soir au Coconut, ce serait horrible. Ce serait n’importe quoi. Mais, si tout est bien calibré, je trouve que tout est kiffant. Le spectateur se laisse totalement laisser aller au truc.
LFB : As-tu une routine particulière avant de monter sur scène ?
Blumi: En général, je préfère être toute seule vu que je suis hyper stressée. J’arrive pas trop à interagir avec les gens.
Je me prépare parce que j’ai un système pas du tout professionnel de fausses hears que je dois scotché. Je suis dans ma loge et je suis tranquille. Il n’y a personne. J’installe mon petit micro et mes petites hears. Je fais des exercices de respiration, je m’échauffe un peu la voix. Et puis, comme je suis souvent stressée, j’essaye de sauter un peu sur place. Et de me dire “Emma ce n’est que de la musique et déstresse franchement. » Voilà, ça devient un peu ça la routine. Ça aide en vrai!
LFB: Est ce qu’il y a un morceau incontournable que tu joues ou que tu joueras tout le temps sur scène ?
Blumi: Ah! Trop bonne question ! Je ne pense pas… J’ai sorti un morceau qui s’appelle Blumi the darkness. qui est un morceau auquel les gens pensent quand ils pensent à ma musique. C’est une chanson hyper importante pour moi. Je sais qu’à un moment, je vais en avoir marre.
Pour l’instant, j’ai fait une dizaine de concerts. J’en ai déjà un peu marre. J’ai toujours besoin de changer l’ordre. Dès que je suis un peu posée, et que limite c’est bien, ça m’aide à me déstresser. Je me dis qu’il faudrait peut-être changer. En fait, je ne reste pas trop en place.
Donc non, je ne pense pas. Je ne m’interdis pas du tout. Je sais que j’adopte vachement ma setlist en fonction d’où je suis, devant qui je joue, où je joue, le temps imparti…
Et je suis sûre que ça va évoluer en fonction des gens, des endroits. Jusqu’ici, ça fait deux, trois concerts que je faisais la même. Là, par exemple, je vais changer parce que c’est plus court. Ça me stresse un peu mais en même temps, je trouve ça cool. Non, en fait je pense que ça ne sera jamais des morceaux qui seront gravés dans le marbre.
LFB: As-tu adapté ta setlist ?
Blumi: Jusqu’ici je n’ai pas adapté ma setlist. Mais parce que même quand c’était debout, je jouais en premier où dans un truc doux. Si un jour je dois jouer sur une grande scène à 23h, un samedi soir, peut-être qu’il faudra que je change ma setlist. Et surtout , je pense que je ne serai pas du tout au bon endroit, et qu’ il y aura une erreur de casting, tu vois?
Ça, ça ne change pas trop. Parce que, de toute façon, je n’ai pas les chansons hyper pêchues. Ce n’est pas ça la variable, c’est plus le temps quoi. Et puis moi du coup, parce que j’ai envie d’explorer d’autres trucs, c’est plus ça
LFB : Meilleur et/ou pire souvenir de concerts ?
Blumi: Bah ouais c’est très simple. Ce n’est pas vraiment un festival. Mon premier concert, j’avais 17 ans. J’étais partie avec mon prof de piano, parce que je faisais une école de musique et j’y faisais du piano. On faisait du jazz à l’époque, dans les années 80… non je rigole ! Du coup, on était parti, en été, bosser dans un hôtel en Corse. C’était un plan pour lui. Il y avait lui, moi, une pote chanteuse, et un pote à lui, plus ou moins pianiste assez nul, mais très gentil.
Il y avait deux spots. Et en fait, je me suis mise à jouer devant des gens qui dînaient. C’était un peu spécial de jouer des standards de jazz. Le mec qui m’accompagnait c’était l’autre, qui était hyper timide. Il lançait des espèces de boucles karaoké. Et moi je chantais dessus, et là je chantais du James Brown, improbable ! Il a arrêté les bandes en plein milieu du truc, et là y avait plus de musique! Et j’ai dû donc continuer à chanter a cappella, avec le visage « tout est normal.”
Je me souviens que c’était une bonne expérience parce que quand je suis sortie de scène, j’ai chialé pendant un quart d’heure de l’humiliation. C’était vraiment très humiliant. Après, j’ai eu un fou rire, les montagnes russes! J’étais là, franchement tout peut m’arriver maintenant. Je ne sais pas si c’est à cause de ça, mais je suis très stressée avant les concerts. Ca m’est déjà arrivé d’avoir plein de merde pendant le concert, jusqu’ici, je touche du putain de bois. Je ne me suis jamais décomposée devant les gens. Je me dis « bon bah Ok, c’est la merde ».
Je rigole un peu, mais ça va. Et c’est sûrement grâce à ce moment-là. C’est mon premier concert, j’avais 17 ans, tout peut m’arriver. James Brown a cappella devant des Hollandais qui te regardent comme ça.. avec la fourchette de leur bouche.
La solitude, je me rappelle m’être dit “évacuez-moi tout de suite”. Et de me dire, franchement après ça je peux tout faire, tu t’en sors. C’est jamais autant la merde que ça. Donc, ouais c’était le pire et le meilleur souvenir de concert: un gros level !
LFB: Peux-tu nous parler de l’importance du catering ?
Blumi: Moi, concrètement je suis arrivée, j’ai dis à Rachida, qui est une copine : “Putain j’ai faim, j’ai pas assez mangé” Elle m’a amené ici, avec Rémi qui est là. J’ai vu les spéculoos, et ça m’a fait un grand oui. J’ai fait des sandwiches spéculoos/chocolat noir: trop bon ! Après le verre de coca, après du pain, du beurre. Je me sens déjà beaucoup mieux!
Hier, on a eu un concert et je suis un peu fatiguée. C’est très important ! En vrai c’est très rare que ce ne soit pas bien ! T’es toujours super bien accueilli. Moi, j’ai eu très rarement des moments où t’arrives et t’es là: waouh.! En fait, quand le catering n’est pas bien, pas ouf, ça te met dans une salle vibe. Alors qu’en vrai, tu peux avoir un tout petit lieu, mais si t’as un bon accueil, les gens sont sympas, que tu as un bon le catering, t’es toujours trop content !
Le contact avec les gens du lieu, c’est le plus important pour être dans une bonne vibe. Ça ne m’est jamais arrivé d’avoir un mauvais accueil. Ouais peut-être une fois et ça change tout.
Les gens qui m’accueillent, c’est eux qui créent le concert. On ne se rend pas compte mais s’ils ne nous m’étaient pas bien, le concert ce serait pas pareil ! Je pense qu’en France, on a des bons caterings, on a de la chance mais je veux dans mon rider, pas de plastique! Pas de truc jetables dans mon catering. Avec toutes les bouteilles d’eau, jetable et machin… Maintenant, on a tous des gourdes. Plus de bouteilles en plastique! C’est en train de changer. On est de plus en plus à le faire.
ORCHESTRE TOUT PUISSANT MARCEL DUCHAMP
LFB : Comment avez-vous vécu votre premier concert post covid ?
Orchestre Tout Puissant Marcel Ducamp: C’était à Genève. Limité à cent personnes, assis, masqués donc c’est un peu bizarre. Le premier vrai concert c’était à Grenoble fin juin et c’était l’hystérie! Les gens étaient fous! Comme tu sentais qu’ils avaient besoin de lâcher un truc retenu depuis des mois, c’était assez dingue. Ils nous disaient “vous êtes réel!” On ne peut pas zapper par contre!
LFB : Est-ce que vous aviez des habitudes qui ont évolué ou changé, dans votre façon d’envisager les concerts et de les vivre?
Orchestre Tout Puissant Marcel Ducamp: Quand même, ça a eu une conséquence assez tragique cette pandémie car juste avant on était 14 musiciens et après on est que 7 des 14 que nous étions. Il y a 5 nouveaux car 4 musiciens qui vivent en Angleterre que l’on n’a pas vue depuis janvier 2020 et que l’on attendait pour que le sont arrivés à se caler des périodes pour repeter mais à chaque fois ils ne pouvaient absolument pas venir. Au fil du temps, on a vu qu’il n’y avait aucune perspective donc on a dû prendre la décision^ d’arrêter avec eux et là-dessus, il y a trois autres des musiciens qui sont moins éloignés qui ont décidé d’arrêter. Ça nous a amputés de moitié avec la pandémie. S’il n’avait pas été là, probablement que l’on aurait été les mêmes.
LFB: Voyez-vous une différence entre un concert assis ou debout ?
Orchestre Tout Puissant Marcel Ducamp: On peut être autant porté par des gens qui écoutent assis que debout, même si la musique est dansante. On a fait des concerts où nous étions plus dans l’ambition de faire danser les gens et en fait était pas du tout le propos. Il faut quand même savoir s’adapter, ne pas être en force. Ce qui n’est pas évident à douze.
LFB: Est-ce que vous avez routine particulière avant de monter sur scène?
Orchestre Tout Puissant Marcel Ducamp: Arriver à se regrouper, ça en sois c’est une routine! Souvent il y a la petite réunion avant de monter sur scène, voir si tout le monde est là. On fait l’appel!
LFB: Avez-vous un meilleur ou pire souvenir de festival à partager avec nous ?
Orchestre Tout Puissant Marcel Ducamp: Quand nous étions 14, l’Octogone à Genève. Les gens étaient assis et nous, on ne sait pas pourquoi, on est s’est dit que l’on allez-y aller en force et c’était nul à chier! Les gens n’ont pas trop compris. Un des meilleurs, c’était à Notre-Dame-des-Landes. Pour la lutte contre l’aéroport, c’était pour la fête de Victoire. Il y a aussi eu lorsque nous étions 6, dans une champignonnière. On avait été payé 30 euros pour six. Mais c’était complètement magie, il fallait marcher dans une forêt. On était au milieu d’une tournée, et jusqu’au jour où on est arrivés, dans la région de Caen, on ne savait pas où on allait jouer! On a pris une petite route, un chemin de terre, à un moment on s’est arrêté, il a fallu marcher encore 500 mètres… Et là, il y avait une grotte dans une falaise. C’était un 29 février, en hiver.
LFB: Pouvez-vous nous parler de l’importance du catering en festival ?
Orchestre Tout Puissant Marcel Ducamp: Parlons-en! C’est l’accueil avec très peu de moyens et beaucoup de volonté. On peut vraiment comprendre si un groupe a fait 700 bornes, est complètement crevé, qu’il y apporte de l’importance. On peut arriver dans des festivals institutionnels où il y a les moyens et les posts, que ce ne soit pas forcément super-pensé. Ici par exemple, c’est l’essentiel. Ça te met tout de suite dans l’humeur, quand tu es bien acculé. Ça peut changer un concert!