Ce vendredi 22 novembre est à marquer au fer rouge quant il advient de penser à l’année que nous sommes en train de vivre en matière de Rap. Après avoir régné en maître sur toute la scène américaine cet été suite à son beef avec Drake, et après avoir annoncé sa performance lors de la mi-temps du Super Bowl en février prochain, l’artiste ne semble pas vouloir s’arrêter. C’est ainsi, qu’à la surprise de tous, même celle de son propre label, Kendrick Lamar a rendu public son sixième album studio, sobrement intitulé GNX.
La sortie de ce disque est à vrai-dire une véritable surprise. À la suite d’une courte vidéo d’une minute publiée par le rappeur, ce dernier a immédiatement sorti GNX, sans réel roll-out ou même tentative de promotion. En l’espace de quelques instants, l’annonce de l’album était suivie de sa mise en ligne. De quoi alors créer un ras-de-marée immense sur les réseaux sociaux, permettant au projet de se suffire à lui-même et de faire parler de lui sans aucun besoin de promotion.
Cela prend non seulement à contre-courant le schéma classique de l’artiste qui met en place tout un parcours promotionnel dans le but de maximiser le démarrage de son album, mais il prend également à contre-pied les codes de sortie. Le projet n’est pas sorti à minuit, comme à l’accoutumée, mais bien à 18 heures, en fin d’après-midi.
Ce qui montre dès lors un détachement complet de l’industrie et de ses différents codes. Une telle séparation peut notamment nous rappeler le chemin ayant mené Tyler, the Creator à publier Chromakopia (dont notre chronique est disponible sur le site) un lundi matin, à huit heures, afin de laisser son public profiter du disque durant tout le long de la semaine.
L’originaire de Compton a réellement pris tout le monde par surprise, même son propre label. Avant le matin-même de la sortie de GNX, UMG n’était absolument pas au courant de cette manœuvre. Kendrick Lamar a alors agi en complète indépendance. Une attitude et une manière de procéder qui ne laisse très peu de doutes quant à la liberté dont il a pu jouir lors du processus créatif du projet.
Un développement artistique qui a pris place jusque dans les derniers instants avant la publication de ce sixième album. À titre exemple, la production officiant comme base au morceau éponyme n’a été envoyée dans sa version finale que deux jours avant que le monde puisse poser ses oreilles dessus.
Tous ces facteurs mettent dès lors en avant une réelle indépendance, mais également comme on peut le lire sur le post, une volonté de se rapprocher des racines du rappeur ; à savoir la West Coast et son son caractéristique qui a particulièrement participé à former les influences de Kendrick Lamar et de toute une génération d’artistes.
GNX met directement en avant cette volonté de rendre hommage au son qui arpente les rues de Compton et plus généralement de toute la Californie et la côte Ouest américaine. L’exemple parfait de cette ligne directrice qui jonche tout l’album est son sixième morceau : reincarnated. Sur un sample du morceau Made Niggaz de 2Pac, le rappeur de Compton se lie de par sa plume aux artistes l’ayant précédé et avec lesquels il ressent une connexion artistique forte. Cette affinité est ici formulée d’une manière particulière, Kendrick Lamar l’abordant par le biais de l’évocation de plusieurs vies.
Il fait alors consécutivement référence à plusieurs artistes. John Lee Hooker, un guitariste de R&B très influent qui a largement participé au développement du genre pendant le vingtième siècle. La deuxième personne abordée est une chanteuse issue du Chitlin’ Circuit, un village de salles de spectacle américain qui est parvenue à atteindre une certaine célébrité et rassembler une fortune conséquente, mais qui fût malheureusement freinée par ses addictions.
GNX prend alors la forme d’un hommage grandeur nature au son de la West Coast ainsi qu’à la ville de Compton et au comté de Los Angeles. Un endroit qui a accueilli de nombreuses figures influentes comme Serena Williams par exemple, à laquelle un hommage discret est rendu dans le clip de Squabble Up.
En revenant par surprise, Kendrick Lamar signe un album particulièrement réussi aux traits matures. En démontrant une place incontestable de numéro un dans une scène qui se fragmente souvent en camps, le rappeur de Compton fait une nouvelle fois preuve d’une expertise et d’une maîtrise qui ne cessent de repousser les limites des standards modernes du genre.