Format Court #53: Baby Strange, Gurl, Chichirama

Chez La Face B, on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux dans lequel on vous présentera une sélection d’EPs sortis récemment. Aujourd’hui, on vous parle des EPs bien rock de Baby Strange, Girl et Chichirama.

Baby Strange – Land Of Nothing

On le dit sans détours, le Royaume-Uni a produit les groupes de punk les plus mémorables, avec une nouvelle vague qui a des envies de révolution. Il y a un trio qui a émergé de façon explosive de la scène underground, avec son énergie nerveuse et ses mélodies chiadées. Baby Strange a dévoilé son EP Land of Nothing fin avril sur Icons Creating Evil Art.

Un premier album en 2016, des tournées aux côtés de Slaves ou Wavves, et enfin un nouvel EP qui se faisait attendre. A l’image de leur pochette, ils viennent assener un choc auditif, une rupture brutale, telle une voiture qui se crashe après une virée à toute allure.  

Ça commence extrêmement fort avec More! More! More!, un titre ultra saccadé, enchainant ponts musicaux tabassés et refrains power pop complétement délirants. La tension est gardée tout le long jusqu’à l’apothéose. “Now that’s what I call musique”. On aurait pas dit mieux. 

Les rythmes de batterie martelés et les mélodies audacieuses se retrouvent notamment dans l’ultra nerveux I Want to Believe. La voix se fait tour à tour saccadée façon post punk, puis s’envole de façon totalement impertinente. Ça pourrait célèste si le morceau n’était justement un affront à la religion. L’audace procure ce petit goût de génie qui donne franchement envie d’y revenir. Nous aussi on est balancé entre le pogo déchainé et l’envie de chanter la bière à la main. D’expérience, difficile de combiner les deux mais ils nous donnent franchement envie d’essayer. 

Avec sa basse bien marquée, sa verve rageuse et ses airs plus expérimentaux, There’s Something There possède les vibes d’unSquid teinté de guitares californiennes. Club Sabbath se démarque aussi par son esprit dance punkhommage à la boite de nuit éponyme où le groupe a ses habitudes. On dirait presque du Franz Ferdinand qui aurait trop trainé dans le fumoir des caves undergrounds. 

Blindé de pépites, ultra audacieux, franchement addictif, le nouvel EP de Baby Strange s’est fait attendre, mais pour le mieux. Devenus incontournables chez nos voisins anglo-saxons, cela ne fait aucun doute qu’ils vont emprunter la high road afin de conquérir le reste du monde. Et à toute allure. 

Gurl – Garden Party

Rien n’est autant excitant que de voir un nouveau groupe décoller, sortir ses premiers riffs déchainés, teintés de la spontanéité de la jeunesse. Esprit DIY, l’envie de dévorer tout sur leur passage et de vivre à fond le fantasme rock, Gurl sort son premier EP Garden Party

Il survint cette rafale d’énergie que l’on ne trouve que dans les groupes teenagers et dont Gurl a bien décidé d’abreuver vos oreilles.

Du surf punk fougueux, des guitares garages.et des chœurs déchainés composent l’essentiel de l’album, à l’image du single Friends (petit hommage rétro ?). Un morceau composé tel un parfait patchwork vintage de souvenirs d’été. Le groupe met en scène ses potes, leurs premiers soutiens, leurs délires et leur insouciance. On plonge dans la nostalgie. 

Plus punk, des titres viennent gratter les guitares de façon bien rythmique et tabasser la caisse claire à la façon de Joyful ou du bien nerveux Sink. On sent l’envie d’avoir son petit moment de gloire sur scène, de slamer dans la foule et de terminer en transe une bière à la main.  

Des ballades plus brit pop sont aussi la belle surprise de l’album. Hey Gurl ? résonne un peu comme une romance au coin du feu bien saturée, façon face B d’Arctic Monkeys. Le groupe propose d’ailleurs une version du titre moins acoustique avec Gurl. Là il n’y a plus de questions. Ils font l’inverse de ce qu’on attend, on adore le principe et l’impertinence.

La vivacité de l’adolescence, une envie de bouffer l’instant présent, de se foutre de tout sauf de la musique, Gurl c’est avant tout une énorme ode à la liberté et l’envie de s’éclater ! Il peut pointer un brin de nostalgie si on a passé le stade prépubère, mais on se fait envahir par un shot de joie, d’insolence et d’énergie pure. Ils seraient bien capables de retourner une EHPAD les saligauds. 

Chichirama – Epic fail

Quoi de plus punk que de célébrer ses échecs et ses imperfections ? Et qu’est-ce qu’il y d’encore plus punk que de représenter ça par un fraisier sur fond rose bubble gum totalement inattendu ? Si en plus on rajoute des mégots en guise de bougies, on est battu par K.O.

Chichirama, c’est un quintette parisien dont un chaman auto-proclamé. D’ailleurs ils se foutent régulièrement bien de nous, inventant une définition de dictionnaire absurde pour expliquer leur nom et imaginant leurs morceaux tels des messages spirituels sous ecstasy. La messe est dite.

Psychédélique, lo-fi, prenant son temps pour nous embarquer dans des univers parallèles, Chichiramapropose un rock un peu à contre-courant de l’efficacité brutasse qui s’installe un peu partout. Ici les accalmies sont nombreuses avant d’amener des riffs mémorables et des mélodies percutantes. Le calme avant la tempête. Le joint avant les amphètes.  

Dans le genre, le premier titre Cheaters est le parfait exemple. Synthé planant avant de balancer des guitares vrombissantes, entre l’indie dream pop et le old school seventies. Un clip est sorti afin de lancer l’EP, à coup d’images de villes vidées de leurs habitants pour cause de pandémie mondiale. Enfin un avant-gout d’apocalypse. De quoi ravir les rednecks survivalistes et bureaucrates en manque de sens à leur vie. 

Les guitares se font graves, plus dangereuses, les voix se cassent dans Hell Will Take Care of her dans un pont musical planant. Venus des tréfonds de votre âme, ils se font gourous bienveillants, mettant en garde des dangers d’une relation toxique. 

Epic Fail, ses roulements de batterie bien seventies et sa guitare vaporeuse vous font rentrer dans un état de conscience altéré. Ultra planant, envolées célestes, on y perce tout de même une pointe de grunge dans son chant blasé et grésillant. On admire aussi la finesse de la guitare. Sachant prendre leur temps, ils proposent un final grandiose avec Sandscapes et ses sept minutes de pur plaisir. Le groupe s’essaye aux riffs orientalisants toujours dans ce délire seventies.  

On peut parler de conte psychédélique tellement on a l’impression que chaque morceau nous pousse encore plus loin dans nos retranchements. Durant les multiples retournements de situation, chaque émotion y passe, avec finesse et élégance. Chaque passage est ultra calibré, travaillé, transcendantal, afin de nous faire atteindre le nirvana. Merci pour le trip.