Rencontre avec FRAGILE

Au Printemps de Bourges, on a également eu l’occasion de se poser avec Fragile. Manu et Baptiste ont évoqué avec nous la scène angevine, la musique hardcore et on en a profité pour se faire raconter le dispositif des iNOUïS.

© Romane Leo Marsault

La Face B : Salut les gars, comment ça va ?

Fragile 

Manu : Ça va très bien ! On est très contents. C’est un peu niais, mais on est très contents.

Baptiste : Ça va hyper bien. Après, si tu veux une réponse comme je parlerai à ma psy… (sourire)

LFB : Est-ce qu’on peut me raconter un peu la naissance de Fragile ? Vous faites partie de la scène musicale angevine, qui est très dynamique. Je crois que vous avez des passifs dans des groupes…

Fragile

Baptiste : On a fait des conneries… (sourire)

Manu : En gros, on a monté le projet pendant le second confinement. Parce qu’on avait que ça à foutre. Parce qu’on se faisait suer comme des rats morts. Et qu’on avait cette envie de faire de la musique. Comme plein de gens en fait. D’échappatoire, de trucs qui ne soient pas juste… Ceux qui pouvaient bosser, aller dans la rue désert pour rentrer de chez eux. C’est une façon de sortir.

Baptiste : Légalement, bien sûr.

Manu : En fait, on était tous copains auparavant. Parce qu’on avait tous des groupes qui se sont fréquentés sur la scène angevine. Et ça nous a paru assez évident. C’était des copains qui montaient un groupe pendant le confinement. C’était cool parce qu’on avait du temps. Et donc très rapidement, on a pu avoir un certain nombre de chansons. Pour sitôt libérer, faire des concerts. Donc c’était pratique pour ça.

LFB : Fragile, fragile ? Français, anglais ?

Fragile
Manu : L’avantage, c’est que…  (se fait couper par Baptiste)

Baptiste : Tu connais Simple Plan ? C’est le même principe. (sourire)

Manu : En Espagne, on a eu « fragile ». Mais c’est vrai, c’est bien parce que ça se comprend partout. C’est chouette aussi pour ça.

Baptiste : En vrai, la genèse du nom, c’est aussi un peu de prise de tête. Parce que c’est compliqué de choisir un nom.  J’imagine que nos parents, ils se sont bien cassés la tête aussi. Ca va te suivre un peu le temps que ça dure. c’est quand même plusieurs années de ta vie.

On voulait vraiment un mot. On n’avait pas envie de faire des trucs à rallonge. Deux mots, on s’est dit c’était vraiment un.

Manu : On aimait bien le nom Idles, ça sonnait bien, bien stylé !  

Baptiste : Je crois que c’était dans la cuisine de Félix. On boit des coups, on commence à être allumés total. Et moi, ça me trotte en tête depuis quelques heures, le truc. Puis on se regarde, on fait, bah super.

Manu : Allez, vendu !

LFB : Moi qui ne vous connaissais pas, sur la programmation, j’ai lu Rock folk, Pop mais en fait pas du tout !

Fragile

Manu : Ouais, c’est les catégories un peu génériques des iNOUïS.

Baptiste : Ce n’est même pas que les iNOUïS, c’est les catégories un peu génériques… Qui sont censées parler aux gens. Le but c’est que les gens s’informent le moins. Donc voilà. Toujours faire des trucs le plus fourre-tout possible.

Manu : C’est comme musique urbaine, ça ne veut rien dire. C’est vrai que là, on n’allait pas rentrer dans la catégorie Zouk. Donc c’était cohérent à ce niveau-là. Mais de nous, même les premiers surpris… Sur la sélection. Pas dans le sens « On vaut mieux que ça », juste dans le sens où… On ne s’attendait pas à sortir de Saint-Nazaire, là où on fait les sélections. Et d’arriver là. Parce que tous les projets avec qui on a joué là-bas, ils étaient hyper bien. On arrive, on a fait un concert à peu près comme on a fait là. Ça a plu. Ils nous ont mis là.

LFB : Le fait est que vous penchez vers le punk hardcore…

Fragile
Manu : Ouais, c’est ça.

LFB : Ce serait une réponse à une volonté d’exprimer de la colère ?

Fragile 
Manu : Non. Après, de toute façon, c’est aussi une culture qu’on partage. C’est vraiment la musique qu’on aime. Je pense que la musique que t’aimes, c’est aussi celle que tu as envie de faire. À la base, on est tous des cheums du punk rock, du hardcore, tout ça. Et puis, j’espère qu’on ne fait pas une musique violente. C’est pas du tout de trucs à pogo ni à mosh pit. Ça arrive qu’il y en ait aux concerts. Et quand il y en a, c’est cool. C’est l’ambiance et tout.

Baptiste : Je te dirais même qu’on est même les premiers à dire que ça pogote de trop et que c’est à ça de se foutre en l’air les filles.

Manu : On n’est pas trop fans de ça.

LFB : Le punk, justement, le hardcore, là, je mets l’étiquette punk dans son ensemble, surtout quand on vient d’Angers, pour le coup, qui est un territoire français, vous avez perpétué la tradition de porter la langue anglaise. C’était un choix de vouloir entretenir l’image du punk hardcore ?

Fragile
Baptiste : Disons qu’écrire en français, j’écris la majorité des textes et écrire en français, moi, je laisse ça à ceux qui savent faire. Ils le font très bien. Il y avait de la chanson française à la maison. Mais ce n’est jamais quelque chose qui m’a vraiment parlé. Et je crois que j’aime, en termes d’écriture réelle, j’aime bien le fait que l’anglais, comparé au français, soit beaucoup plus imagé.

Là où nous, on a vraiment quatre mots pour quatre choses différentes, il peut y en avoir un qui peut plus fonctionner en termes d’idées que le français. Le français, ça ne me parle pas.

Manu : Et puis il y a un truc aussi, c’est que culturellement, cette musique-là, elle est foncièrement anglo-saxonne. Même si tu essaies de faire un truc original, tu répliques toujours ce que tu as entendu et ce que tu as aimé. Et la réalité, c’est que des groupes de ce style-là, on n’écoute que des groupes qui chantent en anglais. Donc ça serait un peu weird. Je n’ai pas de contre-exemple de groupes qui chantent en français.

Baptiste : Chaviré.

Manu : Chaviré, oui.

Il y a deux, trois trucs. Mais en fait, moi, c’est réellement le côté… C’est ma langue maternelle et cela parle et j’en suis content. Mais l’anglais m’a toujours paru plus musical.

LFB : Pour le coup, ce que je cherchais à comprendre, c’est de se dire… Comme vous êtes issu d’une scène qui est déjà bien investie, est-ce qu’il y a une volonté de se démarquer un petit peu et d’essayer d’apporter une nouveauté ? Et j’ai conscience quand tu dis weird. Ça ferait très bizarre d’avoir un groupe qui sonne en français et qui chante en français dans ce genre-là, en tout cas.

Fragile
Manu : Je pense qu’il y a aussi inconsciemment un truc où tu te protèges un peu plus. Moi, je peux aussi en parler parce que j’ai un autre groupe qui s’appelle Scuffles, on chante en français. Et il y a un côté très premier degré. Que moi, j’adore pour cet autre groupe-là. Mais ça brise une distance entre le signifiant et le signifié. Ça met un peu de distance, peut-être. Je ne sais pas.

Baptiste : Si tu veux vraiment parler de la scène d’Angers, il y a zéro compétition. Ce n’est pas parce qu’on vient d’Angers qu’il y a une espèce de truc d’ici. On ne va pas faire comme les autres. Je pense qu’il y a de la place pour tout le monde. On s’est juste dit qu’on allait faire notre truc. Et les copains, quand on fait des concerts avec eux, on est hyper contents et ça se passe très bien. Si c’est pour se démarquer ou quoi, on n’a jamais pensé à ça.

LFB : Jouer à cinq, c’est un sacré défi, non ?

Fragile
Baptiste : Si tu veux devenir intermittent du spectacle, donc chômeur rémunéré avec uniquement de la musique, oui, grave. On a tous nos boulots à côté. On a cette chance-là, entre guillemets, dans le sens où si un jour, on doit passer intermittent artiste, ce sera OK pour le faire, je pense. Mais on a aussi un peu cette liberté-là de faire nos plannings, et de ne pas arriver sur scène en pointant au taf.

En plus, en gardant un truc aussi d’exutoire, le fait d’être ensemble avec des copains. C’est un travail, ça, je le considère totalement comme un travail. Mais je n’ai pas la pression financière derrière de me dire, si demain je ne joue pas, je ne bouffe pas. Je vais bouffer ailleurs, je vais bouffer des heures ailleurs, tous ces inconvénients, mais mentalement, c’est rassurant.

LFB : J’ai lu dans une interview que vous aviez pensé votre EP comme une collection de morceaux pour faire du live et d’aller sur scène. C’est chose faite?

Fragile
Manu : Totalement.

© Romane Leo Marsault

LFB : De fait, est-ce que le fait de l’avoir sorti avec cet objectif de faire des scènes, pourquoi vous n’avez pas envisagé peut-être de faire des démos live ?

Fragile
Baptiste : Écoute, on a eu cette chance que cette EP-là nous permette de tourner relativement convenablement pendant deux ans. Là, on sort de studio. Ça nous a aussi permis de faire un espace de tabula rasa et de se dire, là, on a fait quelque chose pour faire des concerts. On commence à en faire, on en fait. C’est ce qu’on veut réellement faire en physique. C’est là où on a composé cet album-là. Ça sort à l’automne. Le principe de démo live, sans mentir, il n’est même pas arrivé sur le tapis.

Manu : Démo live, tu veux dire des trucs enregistrés en concert qu’on sort ou des trucs prises live en studio ?

LFB : Qui auraient pu être enregistrés dans des conditions live en studio.

Fragile
Manu : On n’est pas assez bons musiciens pour ça. En vrai, c’est un truc qu’en tant qu’auditeur, on aime bien, mais ça suppose d’être vraiment très bon et on ne l’est pas assez pour ça. On aime bien, sur l’album qu’on a enregistré il n’y a pas longtemps et qui sort à l’automne, c’est vraiment instrument par instrument. S’il faut faire 20 prises, on en fait 20. Tout est au clic. On aime bien ce truc.

Il y a des trucs sur le premier EP où tu les réécoutes et tu te dis ah merde, j’aurais pas fait ça. Là, l’envie de faire un truc où on est très précis sur le truc et ça passe par d’abord on fait les prises batterie puis ensuite basse puis ensuite machin. C’est un peu plus scolaire.

Baptiste : Il y a aussi le distinguo entre musique live et musique enregistrée. Si je vais voir un concert et que c’est le CD, je me casse. Ça ne m’intéresse pas. C’est pas pour ça que je fais une salle de concert. Il y a plein de groupes qui font ça. L’exemple parfait pour moi, c’est Bon Iver. Folk. Pas tout, mais je travaille deux studios dans un et live, il est capable de le faire être musicien avec une chorale. C’est différent. De mon point de vue, je trouve ça important.

LFB : La dernière chanson notamment de votre concert, c’était Model. Qui était visiblement chargée d’énormément d’émotions. Est-ce qu’on peut avoir un peu l’histoire de cette chanson ?

Fragile
Baptiste : Globalement, c’est l’histoire de la sacralisation de la mort entre gros guillemets. Tout ce côté-là, tu as quelqu’un qui se flingue, on va retenir que le bon côté des choses vont parler comme c’est dommage, fait chier, c’est un bon gars. Pour moi, c’est une connerie. S’il s’est flingué, ce n’est pas ça qu’il faut retenir. C’est l’inverse. Se flinguer, ça sert à rien dans l’idée. Je n’irai pas plus loin.

LFB : Vous m’avez un peu évoqué votre expérience aux iNOUïS, vous pouvez revenir un petit peu sur comment ça s’est passé ?

Fragile
Baptiste : C’est chanmé en termes de connaissances. On a des cours… Ca va de l’industrie de la musique en passant par les interventions des Catherinette qui sont là sur le festival. Sur les VSS, sur l’écologie, c’est hyper global et à chaque fois, les intervenants, c’est des pointures. Donc en fait, tout est hyper bien expliqué. Tu as des questions, des réponses, en barres. Que ce soit sur le régime intermittent…

Manu : Ce que c’est un contrat d’édition. Ouais. C’est des trucs un peu technico-techniques, mais en vrai, c’est hyper bien parce que c’est un secteur qui est assez tentaculaire. Il y a plein d’acteurs différents. Tu as des managers-managers, tu as les métiers de l’édition, les labels, tout ça.  Et en fait, c’est vrai que en tant que groupe émergent, ce que nous sommes et des fois, tu es un peu perdu.

Tu as vite fait d’être perdu et là, en fait, tu as des gens qui n’ont pas particulièrement d’action attenue ou pas et qui répondent à nos questions et font des cours façon un peu cours magistral façon fac. C’est vraiment cool.

Baptiste : Et puis, à côté de ça, on est une promo de 47, 64 groupes, 2 maximum par groupe, même s’il y a projet solo. Et ça crée un truc. Tu es qu’avec des gens qui font la même chose que toi, peu importent les styles. Et c’est hyper intéressant. On n’a pas les mêmes modèles de développement entre guillemets, on ne vient pas des mêmes scènes, mais le truc qui nous fait tous vibrer, c’est de se ramener sur scène et de partager ce qu’on a à partager. C’est trop bien, ça vient des quatre coins de la France, on est nourris, logés, blanchis, tous à la même enseigne !

Manu : C’est marrant parce que ça permet aussi de se rendre compte que tu fais de la musique, des fois, tu as un peu de tête dans le guidon à faire ton truc. Et en fait, de voir qu’il y a plein de modèles de développement. Tu as des artistes aux iNOUïS où le concert de sélection des antennes, c’était leur premier concert, et par contre, ils font des streams que dans nos rêves les plus fous, on rêverait même pas de faire. Nous c’est l’inverse, on a fait plein de concerts, c’est marrant de voir que tu as plein de modèles de développement, tu as des gens qui aspirent à des choses différentes aussi. C’est assez cool d’assister à ça.

LFB : C’est chouette ! Pour le coup, là, vous me dites que l’album sortira à l’automne, vous êtes signé en label ?

Fragile 
Manu : Ouais, on a signé chez Le Cèpe record !

Baptiste : Anton, big up ! Comme nos camarades de Rest Up qui viennent. On fait tout en famille !

LFB : Est-ce que je finis par vous demander si vous avez des recommandations culturelles, que ce soit sonores, musicales, théâtrales, peut-être ?

Fragile
Baptiste : Ce soir, on va voir Kalash ! Et la recommandation ; à checker la playlist des iNOUïS ! Ouais. Je ne les ai pas vus et ça, ça ne regarde que moi, mais il y avait Famous hier, au 22. Et c’est la deuxième fois que je les loupe. La troisième sera la bonne !

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