Fin janvier, Julia Jean-Baptiste a dévoilé Cinérama, un premier album solaire et intime dans lequel elle dévoile une palette musicale au diapason de la diversité émotionnelle qui habite ses chansons. On a eu le plaisir de la rencontrer pour parler avec elle de cet album, de mélancolie heureuse, d’inspiration et d’évolution.
La Face B : Salut Julia, comment ça va ?
Julia Jean-Baptiste : Ça va très bien. J’ai un peu froid, il fait un peu froid en ce moment mais ça va très bien. Je suis trop contente. Il y a mon album qui sort dans trois jours. Donc all good. J’ai bien mangé à midi en plus.
LFB : Tout va bien alors. Cinérama, c’est un premier album ou c’est une première comédie musicale ?
Julia Jean-Baptiste : C’est un peu les deux. C’est un premier album qui est très inspiré de comédies musicales. Donc un peu des deux. Je suis une grosse fan de comédie musicale depuis que je suis toute petite. Starmania, Les demoiselles de Rochefort, pour n’en citer que deux. Donc c’est sur que c’est un disque qui parle de la vie et qui parle des gens donc c’est un peu un mélange de tout ça.
LFB : Le titre est assez intéressant parce que Cinérama, il y a l’amour du cinéma. C’est pour ça que je dis ça avec la comédie musicale, parce que tu le ressens quand même fortement sur certaines chansons où tu as des envolées lyriques, des arrangements de cordes, des choses comme ça. Ça peut être vu de manière métaphorique aussi puisque ça peut être un grand angle sur la pop, sur les émotions, sur toi. J’ai l’impression que c’est un truc très ouvert et très multiple dans tout ce qui traite et dans la façon dont il le traite.
Julia Jean-Baptiste : Ouais. En fait, je ne me suis pas posé de questions quand j’ai fait ce disque. C’est un disque qui est fait de manière très intuitive et c’est vrai que mes inspirations, c’est tout ce qui m’entoure au quotidien, c’est les gens, c’est les émotions, les miennes, celles de mes proches. Naturellement, j’écris sur ça et du coup, c’était difficile de trouver le titre de l’album. J’ai mis un petit moment. Parce que je savais de manière… Je savais que ça ne serait pas un titre des chansons. Je savais que ça serait un mot à part. J’ai mis je pense 4-5 mois entre le moment où on a fini l’enregistrement et celui où on a fait le mix, je n’avais toujours pas le titre. Du coup, à un moment je me suis posé. Je me doutais qu’il allait arriver comme ça, comme un nom un peu divin, qui allait arriver dans ma tête. En fait, un jour, j’avais ce mot panorama qui revenait beaucoup parce que quand je pensais à ce disque, c’était vraiment un panorama de la vie, des émotions comme tu dis et des nuances de la vie, des choses de la vie.
Sauf que Panorama, c’était déjà le nom d’un album de Vincent Delerm que j’aime énormément et du coup, je me suis dit que je n’allais peut être pas copier le nom de son album. Ça l’aurait un peu fait moyen. Panorama au carré sinon (rires). Du coup, j’ai tapé panorama dans Google et je suis tombé sur plein de mots, champs lexicaux liés à l’horizon et puis après je suis parti carrément dans le cinéma, les méthodes de diffusion du cinéma et je suis tombé sur Cinérama à un moment. J’ai plein d’anecdotes liées au nom de l’album qui sont arrivées par la suite. En plus, ce qui est trop drôle aussi, c’est que Cinérama c’est… Trois mois après avoir trouvé le nom, j’étais au cinéma à la Villette au cinéma en plein air et j’ai ramené des amies anglaises pour voir Les demoiselles de Rochefort qu’elles ne connaissaient pas, qui est l’un de mes films favoris ever. Ce film, je le connais par cœur. C’est le film que tu as vu 25 fois dans ta vie et que tu regardes, dont tu te lasseras jamais. Et à un moment, il y a la chanson de Maxence et il dit « Star de cinérama », et j’étais là : c’est fou parce que Je n’ai pas du tout pensé au film quand j’ai trouvé le nom de l’album. Je me suis mise à pleurer sur la pelouse de la Villette et c’était encore un signe.
LFB : Si je te parle aussi de comédies musicales, au delà des références, c’est que la comédie aussi, dans le sens poète du terme, c’est aussi l’observation de la vie et l’observation de toi mais des autres aussi. C’est vraiment, comme tu disais, ce que t’as mis dans cet album là en fait.
Julia Jean-Baptiste : C’est vrai que j’ai toujours été hyper observatrice, depuis toute petite. Il y a un truc que je trouve fascinant chez les autres en fait. Sur les choses qu’on prend pas forcément la peine de regarder. Tu vois, il y a des choses comme ça dans Les demoiselles de Rochefort notamment ou dans d’autres comédies musicales, des petits détails. Et il y a quelque chose de merveilleux avec la comédie, comme avec le théâtre, c’est la vie en mieux, en plus belle, en plus forte, en plus puissante. C’est quelque chose que j’aime bien parce que je trouve ça génial le quotidien comme source d’inspiration. De ne pas vouloir atteindre des sommets forcément, juste de réussir à savourer son quotidien, c’est déjà pas évident.
LFB : C’est ça, de ne pas forcément chercher à être bigger than life.
Julia Jean-Baptiste : Exactement.
LFB : Le petit détail qui fait que la vie change en fait.
Julia Jean-Baptiste : Exactement , le quotidien chantant.
LFB : J’aime bien définir les albums des gens en un seul mot. Du coup, là il est assez facile parce que pour moi, si je devais définir Cinérama, ça serait contraste parce que tout l’album est gorgé des contrastes et de la dualité de plein de choses. Des couleurs, des lumières, des paroles par rapport à la musique. Il y a vraiment cette idée.
Julia Jean-Baptiste : Ça me fait trop plaisir que tu dises ça parce que le contraste, j’ai grandi avec un papa qui a toujours aimé les contrastes et la nuance chez les gens, dans la musique. Par exemple, la bossanova, j’ai grandi avec tout le temps à la maison. Du coup, ce contraste-là, cette nuance, le mot saudade brésilien qui veut dire mélancolie heureuse, on n’a pas de mot français pour ça. C’est vraiment ça tu vois. La vie est faite de contraste.
Et ça me fait plaisir aussi que tu dises ça parce que c’était un pari que j’avais mais que je ne m’étais pas dit vraiment. Mais ouais, j’ai tendance à être parfois un peu trop nuancé, parfois dans la vie, sur des causes et tout. Je vois toujours un peu, je ne vois pas les choses en blanc ou en noir et du coup, j’aime bien me dire que la vie n’est pas toute blanche ou toute noire. Si j’ai réussi à faire ça sur mon disque et à le mettre en musique, c’est trop bien. Je suis trop contente.
LFB : C’est drôle que tu parles de Brésil, parce que je trouve que l’album, au-delà de certains morceaux qui sont justement influencés par les styles de musique brésilien, il a une lueur qui est très brésilienne dans le sens où quand tu écoutes de la musique brésilienne, même quand c’est joyeux, tu as toujours une espèce de sérieux et de nostalgie en sous-texte. Je trouve qu’il y a beaucoup de ça aussi dans les morceaux que tu as fait.
Julia Jean-Baptiste : Ouais. La bossanova, je trouve que c’est une musique merveilleuse pour plein de points. Par exemple aussi, c’est une musique où on a l’impression que ça coule de source, ça va tout seul alors qu’en fait, harmoniquement c’est complètement dingue, c’est du jazz. C’est des chemins harmoniques qui sont presque mathématiques, il y a quelque chose de vraiment très… Pas cérébral mais quand tu commences à déchiffrer la musique, alors qu’en fait ça coule de source.
Moi, c’est vraiment la musique qui m’a fait lever pour la première fois les poils des bras. C’est une musique vers laquelle je me tourne tout le temps, quand je doute, quand je ne vais pas très bien. C’est une musique qui me fait beaucoup de bien depuis toujours et puis ce truc de la nuance, de la mélancolie heureuse, je trouve ça fabuleux. C’est fou qu’on ait pas de mot. C’est qu’en portugais qu’il y a un mot pour décrire ça. Donc c’est bien que c’est leur touche.
Il y a cette espèce de chaleur qui t’enveloppe comme ça et en même temps, ce qu’ils racontent souvent c’est très triste et la manière dont ils posent la voix aussi, quelque chose de jamais forcée. C’est très naturel et en même temps très complexe. C’est vraiment ce contraste là que j’adore dans la bossa.
LFB : C’est un peu un truc qui sort de l’âme. J’ai l’impression que c’est aussi ce que t’as voulu faire dans l’album, même si tu gardes des contrastes et que ça donne beaucoup envie de danser, qu’il y a des structures musicales où tu t’es quand même lâchée sur des mélodies, tout ça. J’ai l’impression que ça vient vraiment de toi en fait.
Julia Jean-Baptiste : Ouais. Comme je te disais, c’est un disque qui a été écrit de manière très instinctive et je ne me suis pas posé de questions en l’écrivant. J’ai jamais écrit sous pression parce que de toute façon, quand j’écrit sous pression, c’est de la merde et je ne suis pas très forte pour ça. Je pense que si un jour, je dois faire un album en une semaine et demie, je pense que ça sera le pire truc de l’histoire. Mais c’est vrai que j’écris souvent à la maison, sur mon canapé, avec ma guitare, ou avec mon petit clavier.
Du coup, c’est un peu vraiment dans ma safe place, chez moi, vraiment dans mon cocon. Quand je sens que j’ai quelque chose à raconter ou quelque chose à mettre en musique. Je me dis jamais « aujourd’hui je vais écrire ». Je sais qu’il y a plein de gens qui font ça. Moi, ça n’a jamais trop marché en fait. Du coup, c’est un disque qui a été écrit vraiment quand quelque chose se passait dans mon ventre. J’allais me mettre sur mon canapé ou sur mon lit et j’écrivais et ça sortait de manière très naturelle.
LFB : Tu ne peux pas forcer l’inspiration.
Julia Jean-Baptiste : Non mais tu vois, on est aussi dans une société où il y a beaucoup de choses qui sortent, parfois ça va très vite. Du coup, on peut aussi être influencé par ça et se dire « attend, le temps passe vite ». Moi, ça me fait un peu peur le temps qui passe. Je pense comme un peu tout le monde. Parfois, c’est un peu difficile d’être dans le moment présent et du coup, on se dit peut être « vite, vite, vite, il faut que je fasse, il faut que je crée pour vite sortir des nouvelles choses ». Tu peux vite tomber dans un truc un peu maladif. Moi, c’est vrai que je n’ai pas ce truc-là. J’ai envie que ça reste paisible.
LFB : Ta façon d’écrire va aussi avec ce que tu racontes. C’est de la musique d’observation. Du coup, pour écrire ce que tu écris et comme tu l’écris, tu as besoin de vivre les choses et ça se sent.
Julia Jean-Baptiste : Ouais, je pense qu’il y autant de temps qui a été passé à observer ce qu’il se passait autour de moi que d’écrire les chansons de ce disque. Voire même plus de temps passé à regarder ce qu’il se passait autour de moi. Regarder par la fenêtre, me poser à la terrasse d’un café, regarder des gens qui se promènent, des gens qui marchent vite, des gens qui marchent lentement, une maman qui crie après son gamin parce qu’il va traverser la route au mauvais moment. Ça, c’est des trucs qui me nourrissent vraiment. Depuis toujours. Même avant de faire de la musique. Genre par exemple, je trouve tout le temps de l’argent par terre. Depuis toujours.
Ça s’est un peu calmé ces derniers temps mais à une époque je trouvais toujours de l’argent par terre parce que je regardais tout le temps par terre. Ce qui est chelou. Mais du coup, je regardais par terre, je regardais en haut aussi, c’est bien de regarder les immeubles. Ma maman me disait « regarde les immeubles, lève le nez ». Il y a plein de belles choses au dessus de nous et en dessous aussi. À nos pieds, il y a des sous et au-dessus de nous, il y a des beaux immeubles (rires). Bref.
LFB : Dans tout l’album, j’ai l’impression que tu captures le mouvement. J’ai l’impression que les morceaux sont en mouvement permanents. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que tu le figes ce mouvement et en même temps, tu le laisses vivre dans chaque morceau.
Julia Jean-Baptiste : J’ai aussi eu la chance de travailler ce disque avec Jean-Sylvain Le Gouic qui a produit et réalisé le disque, et des musiciens incroyables. J’avais vraiment envie d’un disque vivant. Donc même si je parle souvent de moment un peu suspendu, de s’arrêter et de regarder au-dessus de son épaule, de regarder à droite et de regarder un petit peu le moment, s’arrêter un peu dans le moment présent, quand on peut, quand on y arrive en tout cas. C’est un disque que j’ai vraiment voulu ultra vivant, joué. J’ai eu envie qu’il y ait des musiciens en studio et j’en rêvais. Je suis trop contente qu’on ait pu le faire de cette manière là.
Vraiment, j’avais envie qu’on sente les gens dans la pièce en train de jouer les morceaux. Ça pour moi, c’était super important. Toutes les musique que j’écoute, c’est des musiques qui sont vivantes tu vois, où il y a un drummer, un bassiste qui se regardent et qui jouent en même temps. Il y a même un morceau qu’on a enregistré en live, un morceau piano/voix qui s’appelle Adlib, que j’ai enregistré avec une pianiste en live, je suis trop contente d’avoir réussi à faire ça parce qu’avant, je n’avais jamais réussi à faire ça de cette manière là et c’est vraiment un aboutissement.
LFB : Il y a une sorte de transfert. C’est-à-dire que ce qui t’as nourri a nourri l’album et en fait, ce que tu es s’est transféré dans l’album. Il a une vraie personnalité, tu le sens cette idée de musique vivante comme tu dis. Il y a des vrais élans, des choses qui font plaisir en tant qu’auditeur. Et j’ai l’impression que c’est un album qui est fait pour toi mais aussi pour les autres, pour donner du plaisir aux gens.
Julia Jean-Baptiste : Ah bah ça c’est sur que c’est le mantra de pourquoi je fais ce métier. Je sais que je ne serais jamais une productrice qui passera des heures et des heures dans un studio à geeker. Ce que j’aime le plus, c’est faire des concerts notamment. Être sur scène, raconter des histoires et regarder les gens dans les yeux. Du coup, j’avais envie de ça. Mais franchement, les trois quarts des chansons, je les ai écrites à des moments… Les mélodies me sont venues à des moment où je ne réfléchissais pas.
Notamment Music-hall, j’étais dans ma douche lorsque j’ai écrit le refrain. J’étais en train de faire la con, de chanter et d’un coup, la phrase du refrain est arrivée : Quand la lumière s’allume, elle redevient tigresse. Et vraiment, je pense que je me voyais, il y avait un truc hyper animal et bref… Mais c’est sur que je fais de la musique pour les gens quoi, pour vibrer, pour faire sourire, pour toutes les émotions que la musique amène parce que c’est ce que j’aime le plus dans la musique, c’est ces nuances et ces grandiloquences, ces moments plus petits et intimes.
LFB : C’est tout ce que tu as capturé. Il y a des morceaux en guitare/voix, d’autres avec des cuivres et des cordes, d’autres avec un piano. Je trouve que tu vois l’énergie. Tu l’as dès le premier titre, tu as cette idée de comédie musicale. Dans une comédie musicale et dans la vie, tu n’as pas qu’une seule émotion, qu’une seule structure de vie. Tu as des moments où tu as envie de gueuler et d’autres où tu as envie de chialer sous la pluie. Je pense que chaque morceau représente un peu des états comme ça aussi.
Julia Jean-Baptiste : C’est vrai que ce disque, je le vois un peu comme douze facettes de la vie. Comme un peu un dépliant des émotions et en fonction des journées, c’est genre « comment tu te sens aujourd’hui ? Qu’est-ce que t’as envie d’écouter ? ». Je pense que j’aime bien cette idée là. Je remercierai jamais assez les gens avec qui j’ai travaillé. Franchement, tu me parlais de cuivre. On a enregistré des cuivres le dernier jour de l’enregistrement de l’album. On a enregistré des cuivres avec deux mecs trop forts. Je rêvais d’avoir des cuivres sur Music-hall et je trouve ça fou d’avoir des cuivres dans le fond. Sur La loterie de l’amour aussi. C’est trop cool. Franchement, cet album a été fait dans trop d’amour et trop de joie. Enfin pas trop, parce qu’il n’y en a jamais trop. Mais dans beaucoup d’amour et dans beaucoup de joie.
LFB : Au niveau des paroles, tu avais ouvert une porte avec Solo sur quelque chose d’un peu plus personnel et d’impudique. Est-ce que t’as l’impression d’avoir passé une étape particulière ?
Julia Jean-Baptiste : Ouais, vraiment. Quand j’ai écris Solo, je sortais d’une période assez compliquée personnellement. Je m’étais faite larguer par mon label, j’avais largué mon mec, j’étais dans une grosse remise en question et en gros, je me suis vraiment posé la question de si j’avais vraiment envie de faire de la musique. Est-ce que j’avais envie de continuer ? Parce que j’avais un peu balayé plein de choses sur ma vie et du coup, je repartais un peu sur une feuille blanche. Du coup, Solo, ça a été la première pierre. Déjà, je me suis dit « oui, j’ai envie de faire de la musique ». Ça m’est venu très rapidement mais je me suis posé la question quand même. Parce que c’est quand même un truc de faire de la musique. C’est merveilleux mais tous les doutes qui viennent avec ne sont pas faciles à gérer tous les jours.
LFB : Il y a une mise en avant qui est assez étrange aussi.
Julia Jean-Baptiste : Ouais, c’est un peu bizarre parfois. Du coup, à un moment, j’ai réfléchi à faire un CAP fleuriste quoi. Vraiment. Je me suis dit CAP fleuriste ou tu continues la musique, parce que j’adore les fleurs. Mais je crois que j’aime plus la musique donc j’ai choisi de continuer la musique et puis, en fait, Cinérama c’est la suite de ce chemin pris en solitaire. Plus écouter mes tripes, apprendre à me faire confiance mais si je pensais que je ne serais jamais capable de le faire complètement. De toute façon, je pense que les doutes, c’est aussi ce qui fait qu’on est des humains, on aura toujours des doutes. Je ne connais pas grand monde qui n’a pas de doutes, et puis ça nourrit les doutes.
En tout cas, c’est sur que Solo c’était une première pierre et Cinérama c’est la suite. Et puis, il y aura plein de choses après j’espère. Je me sens mieux dans ce que j’ai envie de dire, comment j’ai envie de le dire, avec qui j’ai envie de le dire. Franchement, je suis trop bien entourée. Tous mes musiciens, c’est mes meilleurs potes. Il y a quelque chose de familial et de vrai. Ça, c’est ultra important pour moi.
LFB : Du coup, il y a un vrai défi en terme d’évolution ou les morceaux parlent de toi. Mais je trouve que dans la façon dont tu les écrit, dont tu les modifies, tu utilises des pronoms et tout ça, il y a aussi un vrai travail pour que tes émotions puissent se rattacher aux autres. L’auditeur n’est jamais laissé de côté.
Julia Jean-Baptiste : Ouais, ouais. J’ai essayé sur le disque. J’ai vraiment essayé de moins être dans ma tête, d’ouvrir un petit peu mes oeillères. Enfin par mes oeillères mais essayer de faire des chansons qui touchent plusieurs coeurs et qui soient un peu plus universelles que par le passé. C’est sur qu’il y a des titres sur mon EP… Je suis content de les avoir faits, Solo c’était un peu une thérapie, je suis très contente de l’avoir fait de cette manière mais c’est vrai que sur l’album, l’autre est plus central, c’est vraiment l’Autre avec un grand A. C’est pas juste ce qu’il se passe dans la tête de la nana qui écrit les chansons. C’est aussi vraiment plus ouvrir les yeux quoi.
J’ai commencé à écrire je pense les premiers titres pendant le premier confinement. Du coup, mon EP était écrit, fini, il est sorti quelques mois après. Je ne sais plus. Il y a certains titres que j’ai écris pendant le premier confinement sur l’album et du coup, c’était aussi une période où on était tous un peu autocentrés dans notre caca. On ne voyait pas grand monde. C’était pas une période… On avait tous besoin de s’ouvrir à l’autre, de s’ouvrir aux émotions des autres, et de fun aussi, un peu de légèreté. Je continue à danser, je l’ai écris pendant le premier confinement parce que j’étais coincée dans ma maison de campagne sur mon tapis qui était mon sol dancefloor. Donc je me suis dit « hey, on va tourner ça en truc cool plutôt que se dire que je ne peux pas danser avec mes copines ». C’est pas grave, le dancefloor est partout et voilà.
LFB : J’en viens à la question psychanalyse. Ce qu’il y a de marrant, c’est que même sans le vouloir, j’ai l’impression que la pochette de l’album, là où Solo c’était une photo très figée, très posée, la pochette de l’album capte bien toutes ces idées là. Dans le sens où c’est une pochette qui est en mouvement et c’est une pochette aussi où tu te floutes de plus de plus en plus, comme si t’avais envie un peu de disparaître derrière ta musique et que tu étais juste le réceptacle des émotions que t’avais envie de diffuser.
Julia Jean-Baptiste : Oh c’est beau ce que tu dis putain. Franchement, c’est trop beau. Je vais pleurer. Écoute, ça me touche de ouf ce que tu dis parce que je t’avoue que cette pochette n’a pas du tout été réfléchie comme ça. J’ai eu aussi envie… On a fait des photos, avec mon photographe qui s’appelle Quentin Lacombe , et mon directeur artistique qui s’appelle Quentin Coulombier. Il y avait des photos où on voyait plus mon visage mais j’aimais bien cette idée de pas tout baser sur un visage. Il y a quelque chose aussi qui pourrait ne pas plaire à plein de médias, parce qu’on voit pas ma tête, je ne suis pas identifiable. Alors que dans la chanson française, on aime bien mettre la tronche des meufs en pochette. J’aimais bien cette idée d’aller à l’encontre de ça justement. Que je ne sois quasiment pas reconnaissable, mais que les couleurs soient hyper fortes. Les couleurs de la pochette et celles de la musique parlent plus que ma tronche. Ouais, plutôt que de figer l’image d’une jeune femme, ça me gonfle.
LFB : Ce truc fantasmagorique où vu que c’est une femme qui chante, il faut figer, qu’elle soit jolie.
Julia Jean-Baptiste : Ouais exactement. J’aime bien qu’on ait un peu transformé. Il y a un œil qui se décale. Il y a quelque chose un peu Elephant Man sur cette pochette.
LFB : C’est vrai qu’on ne sait pas si tu parles, si tu cries.
Julia Jean-Baptiste : Voilà, exactement. On peut l’interpréter de plein de manières différentes cette pochette. Elle peut raconter je pense plein de trucs différents et je trouve ça cool. Plus que juste « oh la meuf, elle est belle ». Enfin, j’avais pas envie de ça pour ce disque.
LFB : Parce que ce n’est pas ce qu’il raconte non plus.
Julia Jean-Baptiste : Ouais, non.
LFB : Je pense que ça en dit beaucoup de la liberté et de la façon dont il a été fait. Tu parlais de spontanéité, c’est ça en fait. Il y a une revendication de liberté presque et de montrer les attentes et les espèces de stéréotypes qu’on met sur un premier album d’une nana qui fait de la pop en France.
Julia Jean-Baptiste : Ouais, exactement. Je suis en tout cas assez heureuse d’avoir pu travailler avec cette équipe et qu’ils aient saisi ça. En plus, encore une fois, comme l’enregistrement de l’album c’était une journée, tout était très fluide et on s’est beaucoup amusés, quand on a shooté cette pochette et les photos autour de l’album, de presse. Et je trouve que ça se sent. Il y a un truc où tu sens que ce n’est pas forcé. C’était instinctif, c’était impulsif et c’était cool quoi.
LFB : Est-ce que la liberté musicale que tu as prises pour cet album, tu la vois aussi comme une sorte de défi dans la façon dont tu devras présenter ta musique en live ?
Julia Jean-Baptiste : Oui. Enfin, ce qui est sur, c’est que j’ai envie que ça groove sur scène quoi. Donc, le défi va être… Enfin, défi mais encore une fois, j’ai la chance d’être entourée de musiciens incroyables. Ceux qui vont m’accompagner sur scène sont les musiciens qui ont joué sur l’album. Pour le moment, on va être trois sur scène. À terme, j’aimerais bien qu’on soit huit mais bon, on va y aller tranquille. Mais oui, oui, c’est sur que c’est un challenge parce que c’est album où il y a certains morceaux, où je pense qu’il y a huit musiciens.
C’est un challenge de donner envie à un disque avec des arrangements riches, dans un contexte où forcément quand t’es une artiste solo, t’es pas un groupe de huit. Et même un groupe de huit, c’est compliqué à faire tourner donc faut y aller step by step. J’avais trop envie de faire un disque où on puisse vraiment jouer et s’amuser sur scène, que ça groove et que ce soit vivant encore une fois. Ce mot vivant qui revient beaucoup. Mais c’est vraiment quelque chose qui était très important pour moi et j’ai trop hâte des concerts. J’adore faire de la scène.
LFB : Moi ce que j’ai beaucoup aimé sur l’album, c’est qu’il y a une vraie mise en avant et une vraie importance de la basse. Et ça, ça m’a fait tellement plaisir à l’écoute. Tu parlais de groove et tout mais j’ai l’impression que la basse est vraiment la ligne directrice de toutes tes chansons.
Julia Jean-Baptiste : Ouais, c’est vrai que la basse est pour moi un instrument super important. La basse, j’ai l’impression qu’il y a quelque chose d’animal tu vois. Une bonne ligne de basse sur un morceau assez « simple », ça transforme une chanson j’ai l’impression. Les basses sont très présentes sur le disque, c’est sûr. Pour le coup, c’est Jean-Sylvain Le Gouic qui a trouvé toutes les lignes de basses et c’est Simon Bérard qui les a joué, qui en a trouvé certaines. Ils sont responsables de ça. Je suis une grosse fan de Jamiroquai par exemple, j’ai grandi avec, et ces lignes de basses, je peux les écouter en boucle. Juste les lignes de basses limite (rires). C’est trop bien. La basse, c’est un truc je trouve dans la musique française, qui est souvent un peu… Enfin, il y a des artistes comme Clara Luciani, ces lignes de basse sont trop cool, bien mises en avant. Il y a un truc assez assumé que je trouve chouette.
LFB : Elle fait plus de la disco aussi.
Julia Jean-Baptiste : Ouais, voilà. Moi je ne fais pas du tout de la disco. Mais même avant, La Grenade, c’était pas de la disco. Mais la ligne de basse fait un peu le morceau quoi. Et en fait, pour moi, c’est un truc assez central dans la manière dont j’ai envie de faire de la musique. Ça apporte tellement de groove et d’âme pour le morceau. Ça le rend encore plus vivant.
LFB : Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour 2023 ?
Julia Jean-Baptiste : Déjà, pour commencer, j’espère que ce disque va toucher des cœurs. Et du coup, s’il en touche, peut être que je pourrais faire des concerts et une tournée. Je pense que ça, c’est le premier souhait que j’ai, de pouvoir chanter ces chansons le plus loin et le plus longtemps possible. J’ai vraiment comme souhait premier de faire de concerts, de jouer. Et puis, sinon en deuxième, de continuer à être heureuse en vrai. C’est un peu basique mais d’essayer de continuer à vivre une vie forte et en même temps paisible. Une vie avec des émotions fortes et de continuer à être cool, à ne pas me poser trop de questions existentielles qui me font tomber au fond. Ça serait cool. Si je peux continuer à vivre comme ça, c’est chouette.
LFB : Dernière question : est-ce que tu as des coups de coeur récents artistiques, de cinéma, livres, musique à nous partager ?
Julia Jean-Baptiste : Je ne suis pas allé au ciné depuis beaucoup trop longtemps. Je me le disais l’autre jour, là c’est l’enfer. Alors du côté artistiques, mon obsession depuis un an, six mois, mais vraiment je n’écoute quasiment que ça, c’est un artiste américain qui s’appelle Dayglow. Je n’écoute que ce type. Je suis un peu obsessionnelle avec la musique. Sino, ces derniers temps, je suis en train de lire Sally Rooney, son troisième livre : Beautiful Wolrd, where are you. C’est son dernier je crois. J’adore cette meuf. J’adore ce truc des choses un peu simples, de gens « normaux ». J’adore son écriture. Et je ne sais pas si tu as vu la série, mais c’est trop bien.