La Langue des Crocodiles

Deux duos se sont partagé.es la scène de l’International. L’un français Métro Verlaine, l’autre etatsunien, Crocodiles. Sorte de concert à double énergie, double identité, on n’a pour autant pas passer un si mauvais moment que ça.

Métro Verlaine n’est pas un groupe d’inconnues pour qui daigne se pencher sur la scène française actuel. Le quintet mixte normand s’articule autour d’un homme, guitariste/backeur et d’une femme, chanteuse/tambourineuse. Ces ébroïcien.nes (c’est comme ça qu’on appelle les gens d’Évreux), manient un post punk somme toute excellent. Alternant chant en français et anglais, on retrouve de bout en bout cette guitare omniprésente qui joue des coudes avec cette voix captivante. Deu albums ont déjà pu faire montre du talent que détient le groupe. De vous à nous, un prochain album est prévu pour février, principalement en français (domaine dans lequel excelle la chanteuse), ça risque d’être une tuerie. Pour l’anecdote, comme leur premier, ce nouvel effort est produit par un des deux guitaristes de .. Crocodiles. Bref, vivement cette sortie, en tout cas le rendez-vous est pris.

Quel plaisir de revoir ce groupe qu’on adore. Métro Verlaine est un des fers de lance de la scène française, c’est à n’en pas douter. L’ouverture de Crocodiles était leur ultime échéance avant la sortie du très attendu nouvel opus. Cette dernière était, sans surprise, une réussite. On va pas de mentir, on s’y attendait, on les avait notamment vu.es ouvrir pour Hotel Lux. Le duo mixte, leaders du quintet, maniait à la perfection ce chaud froid, cette dichotomie qui fait leur identité scénique. D’une pile électrique attirant les lumières qu’est la chanteuse, au sobre guitariste qui ne jette qu’un regard à la foule compacte, cette entité fonctionne à merveille. Et preuve en est, l’International s’était déjà massé pour pouvoir espérer jeter un œil au concert.

Sans vraie pause (le temps est compté), le groupe enchaîne ses chansons, maîtres et maîtresse d’une scène trop petite pour leur énergie. C’est toujours frustrant de voir un bon groupe assurer une première partie. On aimerait en voir plus, les découvrir prendre leur temps, parler, plonger plus allant dans leur discographie, assurer un concert aux différentes facettes. Pour autant on ne va pas se plaindre, cette dernière date était une réussite, rien à dire. Avec la sortie de leur nouvel opus, on aura, sans doute, l’occasion de découvrir Métro Verlaine, à leur juste valeur, sur une grande scène, pour un grand set.

Crocodiles s’articule lui aussi autour d’un duo, cette fois-ci entièrement masculin. Basé en Californie, même s’il l’un des deux vit maintenant sur Paris, le groupe est prolifique. Avec une dizaine d’albums à leur compteur, alternant entre de la noise pop et du rock bien énervé, le tout est entaché de cette vibe pysché californienne toujours appréciable à l’oreille. Pour autant, malgré cette discographie conséquente, le groupe n’a jamais réussi à passer le cap du -relatif- petit groupe indé dont on parle de bouche à oreille. Ils n’ont certes rien révolutionné, mais leur travail mérite malgré tout d’être reconnu à leur juste valeur, dont Upside Down Heaven (2023 / Lolipop Records) ne fait pas figure de pâle copie. Sans jamais renier sa colonne vertébrale, le groupe continue dans la lancée, alternant des titres plus psyché, d’autres garages, toujours dans cette vibe très pop dansante qui fait leur identité. Un plutôt très bon album en soit, comme le reste de leur discographie.

De cette bande on n’aura finalement aucune surprise. La cave de l’Inter était littéralement pleine, le groupe jouait à guichet fermé. De ce court concert on ne retiendra qu’une chose, la langue du chanteur. Quand il ne chantait pas, il était dans l’optique d’alterner un exposé ostentatoire de son .. organe, et lâcher des « Fuck Yeah Paris » à tout va. Pas de doute, on était bien devant un groupe de rock purement américain. Ça se la joue grave, la chemise ouverte jusqu’au nombril, lunettes des blues brothers vissées sur le nez et attitude de bad boy. Et, en soi, l’attitude pourrait être un poil énervante, mais tout était pardonné devant un concert de qualité.

Encore une fois, Crocodiles n’est pas une révolution, et ça n’est pas vraiment ce que l’on demande. Chacune et chacun était venu.e pour écouter du rock californien. On a eu le droit à du rock californien. Le show en plus. On aurait pu voir la même chanson tourner en boucle tout du long, mais soyons honnête, la chanson n’était somme toute pas déplaisante. Les chansons se sont enchaînées à un rythme effréné, l’énergie était au rendez-vous, la fosse appréciait clairement le moment. Pour autant, on pourrait voir ce concert comme une sorte de passation de pouvoir. Entre les rockers un poil dépassés, sorte de maîtres à penser qui se racontent un peu trop, et la fougue émergente d’un groupe qui ne demande qu’à s’épanouir.