Les clips de la semaine #154 – Partie 2

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer se yeux et ses oreilles. Sans attendre, la seconde partie de la 154ème sélection des clips de la semaine.

crédit : Nouta Kiaie

PIERRE DE MAERE – Les oiseaux

Dans Les oiseauxPierre de Maere fait appel au jeune réalisateur Jonathan Steuer et dévoile un clip résolument cinématographique, frappant de mélancolie et de créativité, façon trailer d’un film de Nolan ou Dupontel. 

Sur le front, il revêt l’uniforme bleu des soldats de la Grande Guerre et erre tel un soldat désarmé, une âme en peine sur le champ de bataille, étourdi par la guerre et les tirs des avions de chasse, lesdits :

« oiseaux, qui plombent le ciel
et tirent au sort les innocents »

Il y a fort à parier qu’en dehors de se référer au célèbre poème de Rimbaud – Le Dormeur du val, où un jeune soldat rêve à l’agonie – cette thématique douloureuse dissimule dans ses tranchées d’autres éléments cachés, d’autres indices sur le récent conflit ukrainien ou, plus largement, défend une allégorie complète de notre monde incertain. On y devine cette inquiétude persistante qui nous guette, la détresse permanente et la fragilité des âmes qui appellent un combat contre nous-mêmes, un combat contre les autres. Se battre, se battre toujours, le coeur qui bat, qui explose en miettes comme une grenade et qui saigne. 

Pierre de Maere, soldat perdu, avance à coeur perdu : « ma tête est mise à mort, ne reste que l’amour ». La tête meurtrie, il souffre de ne pas être digne d’amour, semble s’y accrocher encore comme on s’accroche à la vie, et baisser les armes en même temps. 

Les oiseaux, à regarder en attendant Regarde moi, son tout premier album, prévu le 27 janvier 2023.

SZA – Nobody Gets Me

Simplicité et honnêteté ; tels sont les maîtres mots de la direction artistique du nouveau clip de SZA, Nobody Gets Me. L’artiste fait son grand retour en le dévoilant à l’occasion de la sortie de son nouvel album, (son premier projet depuis 5 ans !), intitulé SOS. On l’y découvre sur le toit d’un des nombreux grattes-ciel de New York, scandant répétitivement avec hargne “Nobody gets me like you”.

Sur un sobre air de guitare, SZA dévoile sa mélancolie et ses regrets face à la perte d’un ancien amant, dont elle se rend compte, après-coup, de la valeur. Une nostalgie pesante qui se traduit par le filtre noir et blanc donnant un effet passé au visuel, à l’image de la relation qu’elle décrit tout au long du morceau, et de l’album dans sa globalité.

TEENAGE BED – LA VIOLENCE

Teenage Bed s’apprête enfin à franchir le pas du premier album. Grand Val est attendu pour le mois d’avril prochain et se dévoile cette semaine avec un premier extrait, La Violence.

Si le garçon se pose en chantre français d’une folk-pop lo-fi du plus bel effet, il n’avait jamais franchi jusqu’ici le pas du chant en français. C’est désormais chose faite avec ce morceau qui prouve que la poésie et la sincérité du garçon de Lorient se joue bien des langues. Un concentré d’émotions brutes et sauvages qu’il nous envoie en pleine face, de cette voix toujours sur la ligne, portée par des arrangements qui nous bercent, dans une danse pleine d’humanité et d’amour, pour le meilleur et pour le pire.

Pour accompagner le morceau, Elena Galeeva, Rym Esseghaier et Nathan optent pour une réalisation de plans réels passés à la moulinette de l’animation. Le résultant est à la fois bluffant et étrange, donnant au tout un côté presque onirique qui n’est pas sans rappeler l’excellent A Scanner Darkly ou Valse Avec Bachir.

Theodora & Jeez Suave – Le paradis se trouve dans le 93

C’est toujours bien épaulé par le producteur Jeez Suave que la pétillante Théodora vient nous stimuler avec son nouveau titre : Le paradis se trouve dans le 93

Le département de Seine-Saint-Denis est trop souvent mis en avant pour les mauvaises raisons ; la rappeuse décide d’inverser la tendance dans son nouveau single, en y montrant également ses bons côtés. En sous-texte, elle y glisse, avec légèreté mais raison, la divergence de moyens entre le 93 et le centre-ville de la capitale. 

Tout cela prend vie grâce à une entraînante production aux accents électroniques et un clip coloré réalisé par @leam.sk,prenant bien évidemment place dans le 93 et les lieux que côtoie la jeune artiste.  

Young Fathers – Tell Somebody

On le sait, Young Fathers touche toujours dans le mille lorsqu’il s’agit de l’émotion, que ce soit avec des tracks physiques ou d’autres, plus aériennes.

Tell Somebody joue dans la seconde catégorie, un titre en apesanteur, porté par une ligne lyricale répétitive et une production qui ne cesse de gagner en intensité, jusqu’ un final en apothéose qui nous fend le coeur en deux avec une facilité déconcertante. Tout ce qu’on aime chez les écossais est là : les voix, la tendresse, la musicalité et la portée spirituelle d’une musique qui ne cesse de se renouveler et de nous aimanter.

Pour accompagner le morceau, le groupe fait de nouveau confiance à David Uzochukwu qui, comme le morceau, prend de la hauteur. Sans doute filmée au drône, la vidéo se promène en des lieux ou la roche et l’eau se retrouvent et se fracassent, se mélangent et se repoussent. Un moment en apesanteur qui colle parfaitement au morceau.

Une nouvelle pépite, qui ne fait qu’augmenter l’attente jusqu’à l’arrivée de Heavy Heavy en février prochain.

Celestino – Milano 821

Utiliser le storytelling quand on rappe est toujours une bonne idée pour ouvrir la porte à un univers défini. C’est une chose que Celestino semble avoir comprise avec son dernier titre, Milano 821. En  utilisant cette méthode de mise en récit, il a su laisser le champ libre à Ervin pour la réalisation du clip accompagnant le morceau. 

Dans un ego-trip travaillé, il fait le parallèle entre ses talents de MC et le violent monde des mafiosos. Une fois l’axe trouvé, il devient plus facile de le traduire en visuel. C’est donc dans cet esprit remodelé au goût du jour par le montage que le clip va évoluer, pour un rendu se mêlant sans trop de mal avec l’aisance technique du jeune artiste.  

Ariel Tintar – Seconde Peau

Qui es-tu, Ariel Tintar ?

Après avoir dévoilé deux premiers singles, Es Ou Ka Sonjé et Taxi Caraïbes, histoires d’amour et du pays natal, le musicien inaugure la sortie de son EP, « Seconde Peau », avec une vidéo du titre éponyme.

Ici, le gros plan, cadrage intime par excellence, nous éloigne. On ne sait plus à qui appartient cette peau ou cet œil, tant nous lui sommes proches. Ariel Tintar se multiplie, se fragmente. Il nous échappe, se cache, sort du cadre, honteux de son défaut. Qui sait s’il ne s’agit pas plutôt d’un secret ancré dans la chair ? La douceur de la voix recouvre la monstruosité de l’aveu. On voudrait l’ignorer, se concentrer sur ce piano berceur, cette basse en rondeur, ce rythme chaloupé. Mais à l’écoute du refrain tout en chœurs émerge une douleur sourde, chantée en créole. Le mensonge comme protection, l’autofiction pour visage. L’invention cache l’indicible.

C’est sans doute l’ouverture d’album la plus éloquente que nous ayons entendue depuis longtemps. Un beau manifeste pour un EP à la poésie aussi maîtrisée, où l’autobiographie n’est jamais loin. Ariel Tintar nous donne rendez-vous le 20 janvier aux Trois Baudets à Paris pour en découvrir toutes les facettes.

Loto – Shit Talk

Il est indéniable que les influences de ce jeune rappeur se situent outre-atlantique. En témoigne son flow DMV, mais également l’esthétique de son nouveau clip, Shit Talk réalisé par ses soins, accompagné de Big Homie Toinou. Prenant place dans l’ambiance des populaires talk-shows américains, le rappeur vient se différencier par le second degré qu’il insuffle à ce visuel. Cohérent avec ses lyrics, cette dose de légèreté n’enlève rien à la maîtrise dont il peut faire preuve. Toujours à la frontière de l’arrogance, il en démontre toute sa maîtrise de l’égotrip.

Seul acteur de ce court-métrage, il se dédouble pour interpréter aussi bien des invités que des présentateurs aux attitudes décalées, ce qui en dit déjà long sur les intentions de ce nouveau talent.

PAR.SEK – Planète Morte

C’est pour un morceau sombre et mélancolique que le duo Par.sek demande à Manon Sabatier de réaliser un clip. Il faut réveiller sa conscience écologique et la planète est personnifiée comme un amour que l’on aurait abandonné et piétiné.

Le clip de Planète Morte est sombre, bleuté, avec des plans resserrés sur nos deux musiciens ou sur deux visages apeurés, traversés parfois par une lueur d’espoir dans les yeux.

Simon et Corentin sont comme deux scientifiques criant leur désespoir d’une planète qui se meurt.

À la sortie d’Avatar 2, le clip de Planète Morte arrive à point nommé pour effectuer une piqûre de rappel sur notre condition climatique. On se laisse embarquer à bord du vaisseau Par.sek, en espérant qu’ils sauront nous calmer le temps de quelques minutes.

Alvvays – Many Mirrors

https://www.youtube.com/watch?v=QJOzUpNaD6Yhttps://www.youtube.com/watch?v=I2DFWOkioy4

En cette fin d’année 2022, les prodiges de la Dream Pop Alvvays ont fait leur grand retour avec un troisième album très attendu. Ce 7 décembre, le quintet a révélé le clip de leur morceau Many Mirrors, issu de ce même disque.

À mi-chemin entre un jeu-vidéo en 2D et un dessin animé, la vidéo, réalisée par ConcernedApe, dépeint l’aventure d’un personnage cartoonesque. Ce personnage au visage bleu semble entreprendre un important voyage afin de retrouver ses amis. Ces derniers, à la fin, rassemblent les deux moitiés d’un seul et même artefact pour le reconstituer.
La vidéo met en images un monde imaginaire, allant même jusqu’à explorer l’espace et d’autres planètes. Sur un ton très rêveur et enfantin, ces 3″13 suivent bien l’univers sonore d’Alvvays. Sur un ton innocent et vaporeux, le groupe canadien met en avant une facette toujours aussi lumineuse de son style.

Julia Jean-Baptiste – Empathie

Danser sur des sentiments ambivalents, voici la mission parfaitement réussie par Julia Jean-Baptiste cette semaine.

Une basse groovy, des synthés chalereux et une histoire qui porte bien son titre : Empathie. Ces moments où l’on est submergé par la tristesse des proches, ce besoin continu de les consoler ou de les aider à aller mieux, au point de s’en oublier soi même.

Avec ce titre, Julia joue avec les mots, leur sens et leurs émotions et nous raconte ce qui est à la fois une qualité et un calvaire pour ceux qui le vivent trop fort.

Ce morceau ouaté et attirant est un appel à accepter son hypersensibilité et à en faire une force, malgré tout.

Mis en images par Sylvère Bourjaillat , le morceau se transforme en jeu ludique, voyant ses paroles apparaître et disparaitre au gré des promenades nocturnes de Julia Jean-Baptiste dans son appartement. Sur les boîtes de thé, les cartes, les téléphones, les mots apparaissent et naviguent, ancrés dans la réalité comme cette émotion pure dont on ne se défait jamais. L’empathie, on en pâtit, mais peut-on vivre sans ? Pas sûr, et c’est sans doute tant mieux.

Malo’ – Pause

Ode à la procrastination des premiers jours, quand on traîne encore un peu sur le palier de la séduction avant de s’embarquer à deux dans un voyage destination : inconnue, Malo’ nous enjoint à y aller tout doux… L’instru s’ouvre avec une base percussive, au diapason des battements des coeurs en joie, bientôt rejointe par les cuivres, donnant à l’ensemble une tonalité pop fanfaronnante, joyeuse et fraîche comme un matin d’hiver où tous les possibles sont encore permis…

L’imagerie, pop elle aussi, créée par Juan Jonquère d’Oriola, illustre à merveille l’esprit léger mais chromatiquement tranché du chanteur. Car dans cet esprit seventies neo-disco, le couple à l’écran est toujours montré séparé : fonds colorés différenciés, il en va de ce moment précieux d’avant l’amour ; celui où les univers, adverses ou complémentaires, hésitent encore à s’inventer à deux une palette qui leur est propre…