La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Voici la seconde partie de notre 261ème sélection des clips de la semaine.

Ok Choral – Gaiguerre
Quelques semaines après leur titre éponyme, Ok Choral revient cette semaine avec une vidéo pour Gaiguerre, second titre de leur premier EP.
Gaiguerre, une expression enfantine pour un réel assez sombre et destructeur. Sur un terrain de jeu que n’aurait pas renier Fuzati, le verbe haut et le rythme fou, Kid Bahamas & Adam Skaer osculte notre actualité pour en faire un petit missile sonore.
Un refrain commun et deux couplets séparés, les deux musiciens s’amusent et se confrontent dans un morceau entrainant riche de percussions et de cuivres qui secouent nos oreilles et font réfléchir le cerveau qui se trouvent entre elles. C’est drôle, malin, superbement écrit et essaie d’apporter un peu d’humour et de légèreté à une époque qui en manque énormément. Un règlement de compte par Ok Choral auquel on adhère à sang pour sang.
Déjà à l’origine de leur premier clip, Céline Nieszawer enfonce le clou et laisse exploser les couleurs dans le clip de Gaiguerre. Faussement naïf, toujours influencé par le surréalisme et l’esthétique pop 60’s, la vidéo nous entraine dans une gaiguerre qui semble inoffensive mais cache derrière ses images des petites pastilles de cruauté et d’étrangeté, jouant parfaitement le rôle de catalyseur visuel du morceau, à la fois déroutant et fascinant, qui instille un univers fort et qu’on a hâte de voir se développer.
Avec ces deux titres, Ok Choral est définitivement vainqueur par chaos. De notre côté, on a pas fini de parler de ces deux là.
Herman Dune – Buffoon of Love ft Mayon
Héros français de la scène anti-folk, Herman Dune parsème notre existence de petite merveilles musicales depuis plus de 25 ans désormais.
Alors que son nouvel album, Odysseús est attendu pour le mois de juin, le musicien nous offre cette semaine Buffoon of Love, une ode à l’amour aussi épurée qu’émotive qu’il partage avec sa compagne Mayon.
En toute simplicité, avec les voix qui se mélangent autant qu’elles se répondent, Buffoon of Love nous raconte la vie sous le joug de l’Amour, ce sentiment puissant qui nous dirigent tous et qui finit, qu’on le veuille ou non, par prendre une place de plus en plus importante.
Un roi impitoyable à qui l’on se soumet volontairement et qui trouve à travers ce morceau, une sorte de poème tout à la fois puissant et tendre qui se partage entre deux personnes qui s’aiment.
Pour l’accompagner, le duo joue la simplicité et nous entraine sur une plage de printemps où le ciel se mélange à la mer et où nos deux héros se retrouvent, accompagné d’un cerf-volant qui plane au loin entre eux deux.
Une sorte de simplicité d’apparence qui sied bien au morceau et qui transforme aussi la vidéo en petit karaoké afin que l’on puisse ajouter nos voix à celles d’Herman Dune et Mayon.
Après l’album en juin, on pourra retrouver Herman Dune en tournée en France avec notamment une date au Café de la Danse en novembre prochain.
Simone d’Opale – Tapis blanc
Les nantais Simone d’Opale sort un nouvel EP cet automne et nous révèle cette semaine un clip qui nous emmène au vert avec son premier single sobrement intitulé Tapis blanc sorti en janvier dernier.
Délicat, suspendu, Simone d’Opale signe avec Tapis blanc de la lo-fi à la française qui jusqu’à mi-parcours se transforme en post-rock. Un morceau qui prend sa puissance dans un mélancolique clair-obscur comme métaphorique de la fragilité du passé sur le présent. Un croisement d’esthétique pour un morceau qui agit comme une brise d’été ; c’est doux !
Pour les plus curieux, Simone d’Opale est à retrouver sur scène le 18 mai prochain à la maison de quartier Le Dix dans le cadre de La Journée Pop aux côtés de Coconut et Tiago Caetano.
CMAT – Take A Sexy Picture Of Me
Depuis qu’elle a conquis un Trabendo complet à Paris en début d’année, CMAT dévoile petit à petit son prochain album Euro-Country. En effet, suite au très bon premier single Running/Planning, c’est le formidable et entêtant Take A Sexy Picture Of Me qui est arrivé jusqu’à nous cette semaine. Accompagné d’un clip espiègle réalisé par Eilís Doherty, le morceau vient tacler le patriarcat et l’attention intrusive portée à l’apparence de la chanteuse ainsi qu’à celle des femmes en général.
L’autrice-compositrice-interprète irlandaise signe ici un titre fort et efficace enveloppé dans une pop haute en couleurs que l’on adore. Avant d’entamer une longue tournée anglo-saxonne, CMAT sera à nouveau de passage en France le 14 août à l’occasion du festival Cabaret Vert à Charleville-Mézières.
Justice – Afterimage
La semaine dernière, le duo Justice a présenté le clip de Afterimage, fruit d’une collaboration avec la chanteuse RIMON. Sur un tempo plutôt calme, la chanson mêle habilement sonorités électroniques et nappes disco. La voix, douce et mélancolique, renforce cette atmosphère flottante. Le clip, particulièrement coloré, joue sur les effets de flou et les superpositions. On a l’impression que le son altère la netteté des images, comme si le mouvement empêchait toute fixation visuelle.
Cette esthétique vaporeuse évoque une sorte de rêve éveillé. Les couleurs s’entrelacent, créant des formes changeantes et fugaces. Le spectateur est alors plongé dans une expérience sensorielle, à la fois auditive et visuelle.
Un an après la sortie de leur album, Justice continue de faire vivre leur univers. Le duo français ne cesse d’explorer de nouveaux territoires créatifs. Afterimage s’inscrit ainsi dans une continuité artistique audacieuse. Toujours à la frontière entre musique et image, Justice confirme sa place à part dans le paysage musical.
MPL – Ton visage
Ouiiiiiiiiiii ! On attendait cette sortie depuis looooongtemps ! MPL revient avec un nouveau titre au clip aussi coloré que sa musique. Signé par Anne-Laure Etienne (évidemment) et Emmanuel Chevilliat, Ton visage, premier extrait d’un nouvel album à venir (on espère vite), nous offre une ode au manque au goût doux acide avec une mélodie entrainante et des paroles touchantes le tout sur des chorégraphies chaloupées qui deviennent la signature de Cédric, Julien, Arthur, Andrés et Manuel.
En attendant ce 4ème album (3, 5 ou 6 suivant comment vous comptez), vous pourrez les retrouver à Lyon le 16 mai au Transbordeur, en festival tout l’été et à l’Olympia le 1er avril 2026.
Fiona Apple – Pretrial (Let Her Go Home)
C’est toujours une belle surprise de tomber sur un nouveau clip de Fiona Apple, surtout quand sa dernière sortie, une reprise du célèbre Heart of Gold de Neil Young date d’il y a quinze jours à peine.
La surprise est d’autant plus belle quand on réalise, en regardant le clip de Pretrial (Let Her Go Home) que Fiona Apple, non contente d’être une des artistes Folk les plus reconnues de sa génération, est certainement l’une des plus engagées. Depuis deux ans, elle assiste à des audiences, en soutien à des femmes arrêtées pour des faits mineurs et ne pouvant pas être libérées sous caution, faute de moyens.
La vidéo, faite de centaines d’images envoyées par des femmes ayant connu la détention provisoire alors qu’elles étaient présumées innocentes, montre l’ampleur de l’injustice commise. C’est aujourd’hui le cas de 60 000 femmes aux États-Unis, dont une majorité de femmes afro-américaines et de mères de famille. Fiona Apple met en lumière l’absurdité du système et appelle à leur libération.
Le clip se termine sur l’adresse du site internet lethergohome.org, sur lequel l’artiste partage son expérience ainsi que des leviers d’actions.
Dire que Fiona Apple ne déçoit jamais est un doux euphémisme. Accompagnée de percussions, elle donne sa voix et de l’espoir à celles qui n’en ont pas.
TH – LUNDI
Les débuts de semaine semblent toujours chaotiques pour les rappeurs. Entre lundi et mardi, il alterne les modes de vie, rompt avec sa partenaire et traverse une instabilité constante. Une irrégularité que l’on retrouve dans son dernier clip LUNDI, où se mêlent images réelles et intelligence artificielle.
Dans cet univers, le rappeur bondynois brosse le portrait d’une ville grisâtre et pesante, où les voitures ne se dépassent plus, mais se survolent. Ici, les figures féminines ne sont plus humaines, mais humanoïdes, marquant une rupture franche avec les esthétiques plus douces et romantiques de ses précédents titres comme POKÉMON ou METRO STATION. L’univers de TH semble se noircir à mesure qu’il se numérise.
Ce recours massif à l’intelligence artificielle s’inscrit dans la continuité de son projet ALGORITHME, mais soulève des questions : était-ce nécessaire ? La présence de son robot-chien dans ses visuels précédents suffisait peut-être à symboliser cette modernité sombre. Ici, l’esthétique devient troublante même si elle est ponctuée de plans réels. L’IA peut-elle enrichir une œuvre artistique ou finit-elle par en altérer la sensibilité ? Une interrogation d’autant plus légitime que l’univers de TH repose déjà sur une certaine noirceur. Reste à savoir dans quelle direction il nous entraînera la semaine prochaine.
Minou – Ce n’est rien
Tu t’es déjà levé un matin en ayant l’impression que tout le monde sait ? Sait ce doux mélange de honte et de culpabilité ? Le nouveau clip de Minou Ce n’est rien est la bande son de ta gêne. Extrait de son EP Tout va bien sorti le 8 novembre 2024, Minou (Dominique Plante) nous offre cette ballade aux accents psychédélique, doux et réconfortants, réalisée par Cédric Demers qui suit dans les rues de Montréal Tristan Beaupré qui n’a qu’une envie, se cacher du monde. Mais qui n’a jamais ressenti ce genre de situation ? Heureusement que Minou est là pour nous rappeler que “Ce n’est rien / Tout va bien”.
Miira – Où vont les larmes
Si on est chanceux, ce matin il ne pleut pas. L’occasion de boire son café lentement, délicieusement, et si possible à l’extérieur. On ferme les yeux. Vous le sentez ? L’appel de la nature. Miira, talentueuse artiste d’origine brésilienne, nous offre un moment presque méditatif et introspectif. Qu’attendons-nous pour y plonger ?
Où vont les larmes est un morceau poétique, entraînant, et très lumineux. Miira chante tantôt en portugais, tantôt en français. Le titre s’ouvre sur un rite sacré et mystérieux, porté par la voix du chœur. Le temps est comme suspendu, et le café encore chaud entre nos mains. “Lágrimas correm no rio dentro de mim”. La voilà passée à toute vitesse au volant de son vélo ! On la suit du regard au rythme des percussions et du tambourine. On avait également pu l’apercevoir traversée la ville vêtue de rouge, sur les images du morceau Cores. Touche de couleur dans le tableau, elle nous partage cette poésie du quotidien, ce souffle nouveau que peut parfois nous inspirer la musique.
Sur la deuxième partie du clip on peut souligner ces superbes images, extraites d’un film d’art et d’essai. Le temps s’étire à nouveau. L’artiste est filmée de haut, nageant au beau milieu de la rivière (ou du canal ?) aux eaux sombres. Ce plan s’ouvre sur une seconde image, inversée. Il y a un côté magique, et artistiquement très réussi. On ouvre alors les yeux, sans précipitation, pour vous inviter à écouter et visionner cette danse du cœur proposée par Miira.