Les gars de Karkwa sont revenus!

Louis-Jean Cormier et Julien Sagot, qui forment Karkwa avec Stéphane Bergeron, François Lafontaine et Martin Lamontagne, se confient sur le retour de ce groupe québécois mythique avec un nouvel album, Dans la seconde. Il y a douze ans, Karkwa avait en effet décidé de s’arrêter après la sortie de leur disque Les chemins de verre. 

Karkwa
Karkwa. Crédit: Marc-Etienne Mongrain

La Face B: Depuis combien de temps est-ce que vous préparez votre retour?

Louis-Jean Cormier: C’est un peu difficile de répondre à cette question, mais ça s’est fait tout naturellement. Le désir de se revoir était quand même assez palpable dans les cinq ou six dernières années. Au moment où on a arrêté les activités, on ne voyait pas de retour, en tout cas rapide. On s’est laissés en plan, c’était une bonne affaire, la vie était bien faite, on était fatigués, on a fait d’autres choses. Au fil du temps, on additionnait les petites bribes de rencontre: jouer avec un tel sur le sur projet d’un autre, Julien a accueilli la basse de Martin Lamontagne dans son projet solo au début, de mon côté je voulais que François Lafontaine joue sur mes albums… On avait aussi un désir de s’affranchir du son de Karkwa, d’aller ailleurs artistiquement parlant. On s’est aussi fait demander de jouer des shows spéciaux de Karkwa pour aider au lancement d’un festival ou pour ramasser des sous pour l’incendie à Petite-Vallée entre autres. À chaque fois qu’on se retrouvait, on se disait qu’il y avait quelque chose. Le désir de jouer ensemble s’est transformé lentement en désir de faire un retour officiel avec un album. On ne voulait pas juste faire cette espèce de come-back nostalgie et juste jouer des vieilles chansons. Il fallait créer. Et c’est ce qu’on aime le plus dans notre métier, le laboratoire en studio. 

Julien Sagot: Il n’était pas question de retourner en tournée pour remâcher le passé… C’est en studio qu’on se sent bien. 

LFB: Quel a été l’élément déclencheur qui vous a fait revenir en studio pour composer?

Louis-Jean Cormier: Une convergence de ligne du temps et d’échéancier. On était rendus là. Moi j’étais à la fin d’une opération d’album solo et je me suis dit que ça pourrait être un bon moment. On ne savait pas trop pour Martin Lamontagne qui avait laissé la musique pour la construction et à notre grande surprise, et peut-être notre grand soulagement, il était plus libre de son horaire que ce qu’on pensait. C’était il y a presque deux ans et on a passé un an en studio de façon très sporadique, d’avril 2022 à avril 2023. 

LFB: Qu’est-ce qui vous a inspiré pour Dans la seconde?

Louis-Jean Cormier: Dans À bout portant, par exemple, il y avait le désir de faire comme un recueil d’articles de journaux, d’accumuler les déboires de la société et de finir dans un lit avec son amoureuse. C’était le scénario qu’on s’était donné pour la chanson. Dans la seconde est un album beaucoup plus lumineux que ce qu’on aurait pu faire avec Karkwa avant, mais on n’a pas le choix de passer par le drame pour faire ressortir la lumière. On est plus matures aussi, on est capable d’aller dans des zones d’ouverture du cœur. On l’assume. Il y a des chansons du disque qui auraient difficilement pu être chantées il y a treize ans. On n’est pas dans un développement de carrière, mais de plaisir en ce moment. On fait de la musique pour se faire tripper nous-mêmes et faire tripper les fans de la première heure. 

Julien Sagot: Je n’arrive pas à trouver la limite entre ce qui est lumineux et ce qui est sombre. J’ai de la misère à quantifier tout ça. Je pense que, comme disait Louis-Jean, oui c’est vrai que c’est un album en mouvement et donc super stimulant.

Louis-Jean Cormier: On ne veut pas penser à toutes ces choses-là quand on crée. Au moment où on le fait, on est vraiment la porte grande ouverte à l’inspiration. C’est un album qui parle de renouveau et de renaissance. Le bien-être prend son sens dans la noirceur qui était là avant. C’est beau parce que la musique est un matériau extraordinaire, on travaille avec des fantômes, et chacun d’entre nous et d’entre vous va vibrer d’une certaine manière différente aux chansons. 

LFB: Est-ce qu’il y a d’autres différences entre le Karkwa d’avant et celui de 2023?

Louis-Jean Cormier: On n’a pas peur d’aller dans la confidence, de se ramasser à la petite cuillère ou de raconter des choses qui viennent du cœur entre nous cinq. Le lâcher prise, l’émerveillement de se rendre compte que ces cinq membres-là sont complètement différents. L’entité Karkwa est le fruit de l’addition de ces cinq personnes et on ne peut remplacer personne. Aujourd’hui on est capable de le voir et de le mettre à profit. 

Julien Sagot: Une émotion humaine, une rencontre, des rires, des moments intenses, ça passe par là, surtout quand on se retrouve dans un studio. Il faut que ça colle. On a tous nos petites valises et nos expériences qui font qu’on a plus d’aplomb. C’est tout ça mis à bout que c’est juste du gros bonbon. 

LFB: Est-ce que vous aviez des appréhensions quant à votre retour?

Louis-Jean Cormier: On a bénéficié de l’expérience justement, pour être capable de ne pas se rajouter de poids sur les épaules, de fausse pression. Le pire ennemi de la création c’est d’envisager la commercialisation avant même d’avoir les tounes. On était vraiment dans une démarche de déconnexion et de détachement. 

LFB: Qu’est-ce que ça vous fait de retrouver votre public avec de nouvelles chansons?

Julien Sagot: Avant de retrouver le public, c’est retrouver des chums. Jouer live avec des amis c’est un peu égoïste, mais vu que le fun se passe live il y a une communication qui se transmet à la salle et les gens savent qu’on est là pour les bonnes raisons. On n’a pas fait un disque de Noël pour faire un coup de cash… Le plaisir d’être ensemble est communicatif. En plus, on est partis sur un high, avec tous les prix qu’on a reçus à l’époque, et on dirait que le temps a bonifié les choses. On s’aperçoit qu’on a peut-être créé un petit manque et ça, c’est touchant. On est pas encore has been. 

Louis-Jean Cormier: Il y a quelque chose de très surprenant dans le fait de voir des jeunes de 20 ans devant la scène qui chantent les chansons par cœur. Vous aviez 8 ans quand on s’est arrêtés… Pourquoi vous êtes là? Je trouve ça beau parce que c’est quelque chose de très organique. Le vrai public se gagne par le bouche-à-oreille.