En novembre 2019, Penelope Antena est partie aux états unis pour présenter son premier album. De la musique donc, mais surtout des rencontres à travers son Antelope Tour américain. C’est à travers ce prisme humain que Penelope a décidé de nous raconter son périple, nous offrant un carnet de bord intime de ses personnes croisées sur la route. Pour ce second épisode, on se rend au Constellation de Chicago à la rencontre de Jeremy.
J’ai longtemps hésité… allongée sur mon lit, dans ma petite chambre à Chicago.Il fait moins treize degrés dehors. J’y vais seule? Je vais lui parler? Et s’il ne me reconnaissait pas? Et si on avait rien à se dire… Je peux aussi y aller en simple spectatrice et partir juste après le concert… Mais ça fait si longtemps que j’ai envie de le rencontrer. Lui et les autres membres du groupe d’ailleurs. Si seulement Brendan était disponible pour venir avec moi… Non tant pis je reste à la maison.
Sans m’en rendre compte mes doigts avaient déjà commandé un Uber…
Bon j’y vais. J’enfile mes bottes, mon manteau, gants, bonnet, écharpe, tout l’apparat pour braver le grand froid de l’Illinois et je sors à la hâte.
Je suis encore plus nerveuse qu’avant un concert alors que je ne vais même pas jouer! Je vais juste enfin rencontrer Jeremy…
Jeremy c’est un grand guitariste, il fait parti de mon groupe préféré (de tous les temps!!) qui se produit ce soir. Depuis quelques mois nous échangeons sur Instagram. Quand j’ai répondu sur le flyer du concert, que je serai à Chicago à ce moment là, il m’y a invité. Comment refuser… Je suis tellement timide, surtout devant les gens que j’admire,.Je pense à toutes les questions que j’ai envie de lui poser. J’ai peur de dire n’importe quoi…
Plus le temps d’y réfléchir, me voilà déjà arrivée. Je souhaite une bonne soirée à mon chauffeur, claque la porte et immédiatement ce froid typique du Midwest me glace tout le corps.
Presque machinalement, j’allume une cigarette avant d’entrer – geste très peu commun de nos jours aux États-Unis, qui là où en France peut donner un sentiment de communion, (on se retrouve entre fumeur à papoter, se rencontrer) donne un sentiment d’extrême solitude en Amérique!
Le hall n’est pas très grand, sur la gauche un petit bar, sur la droite le vestiaire. Les couleurs sont chaudes et l’ambiance très cosy. Je décide de me poser au bar avant d’entrer dans la salle. Alors que je m’apprête à prendre une première gorgée de mon Moscow Mule (Il faut bien se donner un peu de courage), je suis interpellée par un voix rauque et très amicale : “Penelope?!” Je repose mon verre et me tourne sur mon tabouret “No Way you made it?!” Il est là. En chair et en J.crew devant moi. “Jeremy! Hi!” – J’arrive pas à croire qu’il m’ait reconnu (Heureusement)! Ses deux grands bras viennent se poser autour de mes épaules. Le hug! Je le sers très fort aussi et lui demande si tout va bien, s’il est prêt pour son concert.
Avant qu’il ait le temps de répondre, quelqu’un du staff vient le chercher. C’est l’heure de monter sur scène. “ I’ll talk to you after the show alright?” J’acquiesce et lui souhaite bonne merde. (Malheureusement cette expression se traduit très mal en anglais.)
Une heure plus tard, pleine d’énergie, déboussolée, inspirée et émue par ce concert magnifique, je me retrouve au bar avec Jeremy et les musiciens du groupe. J’apprends qu’ils ont tous écouté mon album sur la route de Minneapolis à Chicago la veille! Incroyable!
On en parle, je reçois plein de compliments et d’un coup je réalise. Je les avais déjà vu en concert Il y a deux ans à Paris. À la salle Pleyel. Juste après le concert, je m’étais rendue à une soirée où j’ai rencontré Vincent Leibovitz, qui sortira Antelope l’année d’après sur son label KowTow Records.
Une sensation chaude et réconfortante m’envahit, un full circle moment comme ils appellent ça ici.
En dehors de mon corps, je me regarde leur parler, rigoler et je ne peux m’empêcher de me demander si rien n’arrive jamais vraiment par hasard.
La nuit avance et alors que je suis prête à partir (je joue le lendemain soir et ai besoin de dormir un peu) Mike, le saxophoniste, me tire vers lui, me sert dans ses bras et me dit que j’ai de la chance de vivre en France, au milieu des bois et que toute la musique qu’eux écrivent est inspirée par la nature qui les entoure dans leur Wisconsin natal. Un commentaire qui vient, comme s’il avait lu en moi et savait que je doutais de ma place dans ce monde.
Je promets de venir les voir bientôt (les routes givrées m’empêcheront d’y aller cette fois) et de leur envoyer des vinyles d’Antelope. Puis j’embrasse tout le monde à la française et les quitte.
Dans le Uber, je regarde la ville glacée par la nuit défiler et une petite larme vient couler sur ma joue. Je l’essuie avec un sourire et comme dans les paroles de ma chanson Eau Claire : “I remember why I’m here”.