En gestation depuis plus de trois ans, le premier album de Nor Belgraad est enfin sorti le 10 mars 2023 sous le label de Holwin Banana. En attendant la release party du 7 avril avec La Houle et Harmo Draüs en première partie suivi d’une tournée printanière, il est encore temps de découvrir ce joyau puissant aux aspérités multiples et virevoltantes.
Le groupe lillois dévoile dans cet album éponyme quatre morceaux supplémentaires en plus des quatre premiers singles pour une durée proche de quarante minutes. On s’approche d’une moyenne de cinq minutes par titre. Premier indice que Nor Belgraad n’est pas là pour s’acclimater aux tendances actuelles. en sortant THE single de deux minutes ultra efficaces. Influencé par ce qu’il fait de mieux sur la scène New-Yorkaise, c’est-à-dire les productions de DFA Records (LCD Soundsystem, The Rapture, Shit Robot, Yacht, etc.), la formation est plus attachée à faire la jonction entre la culture des clubs undergrounds et la scène indie rock.
Il suffira de se pencher immédiatement sur le final magistral qui mettra tout le monde K-O. Cependant, la tension est déjà palpable sur les cinq premières minutes de All I Know. On comprend assez vite que Nor Belgraad est capable de nous balancer banger sur banger.
L’ouverture de l’album chavire entre gravite et légèreté par ces riffs délicats de guitares. Un parfait warp-up de lâcher-prise qui pose les fondations sonores du groupe : fougueux et nocturne.
Nonobstant, Nor Belgraad fait monter la sauce avant le déluge de tubes dans le final. Rapture et The Kiss viennent vous agripper à la cheville pour mieux nous désengourdir avant l’entrée sur le dancefloor. Le premier susnommé nous plonge littéralement dans un vortex aussi tendu que la liaison entre ligne 7 et le RER B à Chatelet en heures pleines. Le rythme effréné nous prend à la gorge par sa texture musclé et tournoyante.
Bien que jouissive, la piste ne dure pas assez longtemps pour supporter cette liaison de transport parisienne. Pas de soucis, si sur le papier, la présence de huit titres peut nous laisser sur notre faim, chacun d’entre eux est fignolé et usé jusqu’à la moelle. Et en prime, ils permettront de mieux profiter de nos trajets quotidiens sur fond de paroles anticapitaliste et anticonsuméristes.
On finira même par exploser notre audition en écoutant en boucle cette trilogie finale grandiose. Mais avant cela, il ne faut pas négliger ces pistes au profil plus pop et psychédéliques. Elles détonnent par rapport à l’ensemble par leur douceur mystérieuses et planantes.
C’est le cas de Seafoam dont les lyrics mélancoliques, écrites par le multi instrumentaliste de la bande Clément Arnoult, ont été écrites face à la Mer du Nord.
C’est également le cas de Washed Out Kid, aussi inspiré par le Nord, qui prend la défense d’une jeunesse désabusée par cette société déshumanisé et productiviste. Nor Belgraad n’a pas perdu de ses convictions et reste ancré dans une culture très prolétarienne. La piste se termine en reverb par quelques notes cérémoniales. C’est surtout un coup de génie musicale qui se prépare ici.
Alors que cet outro nous berce d’illusions sur cet instant de plénitude durant une trentaine de secondes, Nor Belgraad surprend par quatre coups de percussions comme un coup de bâtons reçu sur le crâne. Le mode club est activité. Landmarks est un titre brut mené à tambour battant du début jusqu’à la fin grâce à des riffs qui grondent de plus en plus, nous rappelant les meilleurs heures de Cheveu, sur un beat électro serré et tendu.
Le virage dance-punk est lancé et les influences new-waves 80’s des mythiques Talking Heads combinées au groove de LCD Soundsystem résonnent fortement sur Can’t Write. Nor Belgraad poursuit sur sa lancée en remettant le son d’un club acid au centre du village avec Can’t Play en guise de cerise sur le gâteau. C’est la folie d’un mix retranscrit en studio qui vrille en électro par une énergie totalement délirante.
Ce premier long format est un premier combat pour la formation. D’un point de vu artistique, Nor Belgraad impose déjà une identité musicale unique et forte par sa richesse mélodique et sa féroce intensité. Chaque écoute de l’album se vit paradoxalement comme une prestation en live. Par ce biais, le groupe parvient à transformer toute cette frustration par une musique fédératrice et transcendante face à un monde qu’il refuse à suivre ses codes. On en redemande !
Coups de coeur de l’album : Seafoam, Landmarks, Can’t Write, Can’t Play
Crédit photo : Tanguy Beurdeuley