Rock en Seine 2022, je retrouvais Parcels en concert après plusieurs années de pandémie. Je me souviens de cette longue intro marquante – Entrance from Le Palace, Paris – mise en abîme aérienne de plusieurs minutes dessinant les traits d’un nouveau son pour le groupe. Un son plus dance, house, confirmant leur capacité à sans cesse réinventer leur musique. S’en suit une performance imaginée comme un DJ set acoustique de plus d’une heure, sans interruption, métamorphosant leurs titres phares en des arrangements inédits.
Depuis, Parcels a continué d’explorer ces nouvelles textures transformant leur set en quelque chose de plus trance, qu’ils ont enregistré en live au Palace, club mythique des années 80 cotoyé par Andy Warhol, Grace Jones ou encore Mike Jagger. Leur nouvel album, sobrement intitulé Live Vol.2, est le fruit de cette quête délibérée vers cet état de transe, quasi-mystique. Nous avons eu la chance de rencontrer Louie, claviériste du groupe, pour discuter de ce cheminement, de leurs inspirations, et de leur fameuse reprise d’I Follow Rivers de Lykke Li.
VERSION ANGLAISE EN FIN D’ARTICLE / ENGLISH VERSION BELOW
LFB : Dans la précédente interview que Parcels a donnée pour La Face B (à retrouver ici), à l’occasion de la sortie de Day/Night, vous envisagiez un set acoustique, en amenant sur scène un quatuor à cordes comme on peut entendre sur l’album. Votre performance live a pris une tout autre identité sonore, pourquoi n’avez-vous pas continué dans cette direction ?
Louie : Notre album Day/Night a été conçu au retour d’une longue tournée. On s’est naturellement retrouvé à composer quelque chose de plus calme et introspectif, en y ajoutant une dimension très cinématographique. L’album est sorti en pleine pandémie, on ne pouvait pas reprendre notre tournée avant un moment. C’est au moment de reprendre les concerts qu’on a ressenti le besoin de se débarrasser de tout ça, d’apprécier le fait de jouer en live devant un public et de leur apporter une nouvelle énergie. Quand on a travaillé les arrangements live des morceaux de Day/Night, il nous a semblé évident de les rendre plus festifs. On sentait que c’était ce dont notre public avait besoin.
LFB : D’où cette envie de proposer une musique plus dance / trance ?
Louie : Le côté trance est assez intéressant car il nous a un peu pris par surprise ! Je me souviens avoir acheté ce synthétiseur à cordes, un Orchestrator italien. La résonance de ses cordes me rappelait les nappes synthétiques trances des années 90. Ce nouveau son, combiné à notre envie de s’orienter vers un style plus house / dance, a réveillé en nous cette nostalgie de la musique trance. Au même moment, tous les clubs que nous fréquentions à Berlin et tous les DJs que nous suivions commençaient à intégrer ce style à leur musique. C’était donc très naturel et simultané.
LFB : Quelles ont été vos inspirations respectives ?
Louie : Lorsqu’on fait de la musique tous les cinq, on évite de se partager nos influences. Je pense que c’est la meilleure manière de rendre les choses plus uniques.
En ce qui me concerne, je ne pense pas m’être référé à des artistes spécifiques pour cet album. C’est plutôt un souvenir des morceaux qui passaient sur la radio communautaire quand j’étais plus jeune. Je me rappelle plus du nom des artistes qui passaient mais je me souviens bien des sonorités. J’ai pas essayé de creuser davantage l’indentité des artistes. Je pense que développer ma propre interprétation d’un souvenir était plus intéressant.
LFB : Vous avez cité les clubs de Berlin que vous fréquentiez quand le groupe était installé là-bas et qui ont inspiré cette nouvelle identité sonore. Quelle place accordez-vous à la nostalgie dans ce nouvel album ?
Louie : La nostalgie a une place importante dans tous nos projets. Pour celui-ci, c’est peut-être moins évident. Il y a le son bien sûr, cette nostalgie de nos années passées à Berlin. Mais nous y appartenons toujours un peu et nous continuons à passer beaucoup de temps en club. Il y a en fait quelque chose de très récent et de frais sur cet album, comme une nouvelle énergie destinée à faire de Parcels un groupe de club.
LFB : Avant d’interpréter ce set en club pour enregistrer l’album, vous l’avez d’abord joué en festival, puis dans des grandes salles de concert. Comment avez-vous adapté votre musique à son environnement ?
Louie : Le live a débuté par la tournée des festivals pendant l’été 2022. On a essayé de rester cohérent entre toutes nos représentations car on travaillait vraiment cette nouvelle identité club. Mais lorsque vous jouez en pleine journée lors d’un festival, ça ne fonctionne pas toujours. On a travaillé un set plus entrainant en festival, jonglant entre EDM et acoustique. Lorsqu’on est passé à la tournée des arènes, des lieux assez imposants pour nous, on a placé une petite scène un peu en retrait de la scène principale, afin de rester très proches les uns des autres et d’encapsuler notre énergie scénique. C’était un peu comme reproduire une petite salle, au sein même de l’arène, où nous jouions les uns sur les autres en espérant que l’énergie que nous y apportions se répercute sur la salle entière.
LFB : Cette intimité vous a-t-elle permis d’atteindre l’état de transe que vous sembliez rechercher ?
Louie : En fin de compte, ce style de musique est toujours vécu dans des petites salles sombres et bas de plafond. Il n’y a pas grand-chose là-dedans, sauf des lumières et des gens. Je pense que seul cet environnement vous permet vraiment de vous abandonner à ces très longues boucles musicales. C’est ce qu’on a découvert en le faisant.
LFB : Vous avez joué de nombreux concerts, mais est-ce que cette sensation était nouvelle pour vous ?
Louie : Ça a toujours fait partie du groupe. Lorsqu’on arrange nos morceaux pour le live, on a toujours tendance à ajouter de longues intros / outros. On est fasciné par cet état de transe qu’on peut atteindre en répétant la même chose encore et encore. C’est un peu l’essence de la musique électronique qu’on a toujours essayé de conserver. Alors oui d’une certaine manière c’est nouveau pour notre public, mais ça a toujours été un élément du groupe. On l’a juste exploré en profondeur avec cet album.
LFB : On retrouve principalement des morceaux de la partie Night de votre double album Day/Night dans cette version live. Pourquoi ce choix?
Louie : Lors des premières discussions autour de Day / Night, la partie Night de l’album devait être beaucoup plus électronique et orientée club. Mais au fur et à mesure que nous avancions, la partie Night s’est transformée en quelque chose d’introspectif et orchestral. Live Vol. 2 nous a donné l’occasion de pouvoir réaliser cette version de Night telle que nous l’avions imaginée au départ. Et ça faisait sens parce que nous devions la jouer dans des clubs, devant un public. Ça nous semblait enfin possible.
LFB : Vous avez ajouté la reprise du célèbre titre I Follow Rivers de Lykke Li à votre set de festival, créant une surprise unanime parmi votre public. Avez-vous également envisagé de l’inclure dans l’album live ?
Louie : Oui, je pense que nous l’avons même jouée en club. On a tous connu des moments comme ça en club, où une chanson pop/dance inattendue s’ajoute à la setlist entre toutes ces musiques de club. C’est toujours un super moment, on a voulu le reproduire. On a envisagé d’ajouter cette reprise à l’album live, mais finalement, elle ne s’intégrait pas correctement donc on l’a laissé de côté.
LFB : Dans un récent post insta, vous dites du morceau Thefear from live Vol. 2 être « la partie la plus profonde de la soirée, un moment de réflexion après des heures passées à danser ». Vos albums ont toujours raconté une histoire, en particulier le dernier. Quelle histoire souhaitiez-vous raconter avec cette version live ?
Louie : Il y a certainement plusieurs histoires à tirer de cette version live. L’une d’entre elle, notamment racontée dans le film, est une sortie nocturne en club. Le film suit ces personnages qui vous emportent jusqu’au bout de la nuit. L’autre est un peu la même histoire que celle racontée dans l’album Night, mais dans cet univers alternatif, une sorte de club futuriste.
LFB : Le film a été tourné dans le célèbre club parisien des années 80, Le Palace. Pourquoi avez-vous décidé de ressusciter ce lieu ?
Louie : La sœur de Jules, qui a réalisé le film, vit à Paris depuis longtemps et connaissait ce club, connaissait son histoire et à quel point il était emblématique. À l’origine, nous avions l’intention de filmer cet album à Berlin. Le Palace était l’une des premières suggestions lorsque nous avons décidé de le faire à Paris et ça semblait tout à fait logique avec l’ADN du projet. On a vraiment eu de la chance de pouvoir investir ce club mythique.
LFB : Une version presque romancée du clubbing…
Louie : Absolument. On afinalement décidé de ne pas le faire à Berlin car la culture club est une expérience très secrète là-bas. On n’est pas autorisé à filmer, c’est une expérience très personnelle. Enregistrer la session au Palace nous a permis d’aborder l’album sous l’angle historique plutôt que d’en faire un portrait complétement réaliste et actuel.
LFB : Vous avez fait de cet album une expérience visuelle immersive. Comment aimeriez-vous que votre public le découvre pour la première fois ?
Louie : Il y a deux manières de découvrir cet album. On a vraiment essayé de faire en sorte qu’il fonctionne comme un disque de dance en tant que tel. On a passé beaucoup de temps à travailler sur les transitions entre les morceaux, on vient de cette culture où tout doit glisser comme dans un DJ set. On veut le faire ressentir de cette manière, comme un mix que vous écoutez pendant une heure. D’ailleurs, la tracklist de la version digitale et physique n’est pas la même que celle du film, elle commence différemment. Le film peut être apprécié en faisant autre chose, ce n’est pas quelque chose qui doit nécessairement monopoliser toute votre attention. Lancez-le et profitez.
ENGLISH VERSION
LFB : In the previous interview that Parcels gave to La Face B (read here), at the time of Day/Night, you were considering an acoustic set, bringing a string quartet on stage with you, as can be heard on the album. Your live performance took on a completely different sonic identity, why didn’t you continue in that direction?
Louie : I think the Day/Night album really came from this period where we’d been touring for a long time and we came together and we just naturally started making something that was more quiet and introspective, and had these like lush sort of cinematic feelings to them. And I think the timing of that, coming just around when covid started and we couldn’t go back out on the road for a long time. It meant that when we did start touring again there was this sense where we just wanted to shake off all of that and really enjoy just being present at live with other people and bringing this energy. You know when it came time to turn this Day/Knight songs into live arrangements it suddenly felt more exciting to loosen it up and make it more of an uplifting party feeling, because that’s the energy we wanted to bring to people, and it felt like what people needed at the time.
LFB: Explaining this desire to offer a more dance / trance music?
Louie : Yes the trance thing is interesting, it kind of stuck up on us. I remember buying this string synthesizer, it was an italian Orchestrator and something about the resonance on the strings made them sound like this trance strings from the early 90s. That combined with this desire for us to become more housy and more dancy just unlocked this memory of the sound of Trance Music, it really resonated with us. At the same time, all the clubs that we were going to around in Berlin, all the DJs we were following were starting to bring this sound in a little bit. It just felt very natural and simultaneous.
LFB: And what were your respective inspirations?
Louie : Interesting, it’s hard to say. I think when making music together we try not to show each other too much the influences that we’re drawing on because we’re moving to more of a trancy / Housy sound that actually means something slightly different to all of us. You’re right, we all brought our own thing to it and we tend to hide a little bit from each other, like exactly what we’re going for. And I feel that’s the way to make things more unique.
With me, I don’t know about having specific artists that I could refer to but it’s more just a memory of this sound, like what was playing on community radio when I was growing up. I actually don’t know the name of any of these, I am just familiar with the sound but I try not to research too deeply into who these actual people were because I think interpreting it from a memory is more interesting.
LFB : You mentioned the clubs in Berlin where you used to go when the band was based there, and how they inspired this new sonic identity. How much importance do you give to nostalgia in this new album?
Louie : Nostalgia is such an important part of everything we do. Everyone can feel it: the 70s, albums you listened to growing up… This one was maybe less obviously a nostalgia project, I mean a little bit in the sound but then for us it’s also felt very fresh, like a new idea to bring the band into a club environment. It was probably a nostalgia for the early days in Berlin in a way but also I feel like we’re still kind of in Berlin and still experiencing these club nights. It feels like more of a fresh recent thing as well.
LFB : You’ve played this trance / dance set at festivals, in large concert halls, and then in a club to record the album. How did you adapt your music to its environment?
Louie : First, we were doing festivals in summer in Europe. We tried to stay a bit consistent because we were really trying to work on this idea, but when you’re playing in the middle of the day at festivals it doesn’t always work. You do need this sort of club environment to really take off! When we’re outdoors we try to play a bit more of an uplifting energy and have some more acoustic moments, things like that.
When we moved to the big tour in arenas, quiet of big venues for us, we made this little mini-stage at the back of the actual stage. We stayed very close together on that stage, it kind of encapsulated us, it was kind of replicating a smaller room in a way where we were just right in each other’s zones and hoping that the energy that we had in this smaller space could draw everyone in as well.
LFB : Did the intimacy of the clubs allow you to get to that euphoric / trance state that you seemed to be looking for?
Louie : In the end this style of music is always experienced in a smaller, dark, low-ceiling room most of the time. There is not much in there except lights and people. I think that’s the environment that allows you to really lose yourself and just follow these very long musical sequences. That’s what we found out.
LFB : You’ve played countless shows but was this a new feeling for you?
Louie : It has always been part of the band. When it comes to arranging the songs for live we tend to bring these big, long outros onto our songs. We’ve always been fascinated by the trance you can get into by repeating the same thing over and over again. That’s kind of one of the essence of electronic music that we’ve always kept. In a way it was new, but definitely always an element of the band. That was just our chance to go very deep into it.
LFB : We mainly find tracks from the Night part of Day/Knight in Live Vol. 2. Why?
Louie : During the early talks for Day/Night that we were having together, the night part of the album was originally talked about being more electronic and more clubby. And then it was interesting how as we were making the record the Night tended to be more of an introspective orchestral thing. Coming to this concept we felt like we could actually do this original Night album as how we imagined it in the first place. And it made sense because we would have been playing it with audiences and doing it in these club situations, it felt like we could finally go there.
LFB : During your festival tour last year you covered the famous I Follow Rivers by Lykke Li, creating a unanimous surprise and excitement among your audience. Have you considered including this cover in the recorded live version?
Louie : Yes I think we played it even in the club. We’ve had moments like that together where we’ve been in a club situation and there is an unexpected sort of a pop / dance song in the middle of a lot of club music and it’s such a great moment always. We definitely considered it for the live album, but in the end it just didn’t flow properly. It didn’t feel like we earned that moment yet so we left it out.
LFB : In a recent insta post you said about Thefear from Live Vol. 2 that “it is the deepest part of the club night somewhere reflective after hours of dancing”. Your albums have always told a story, especially the last one. What story do you want to tell with this live version?
Louie : There is definitely a story there. Also through the film, we have these characters, you’re following the story of their night. I think there are few stories you can take from it, one is definitely a night out and another one is kind of the same story as the Night record, but in this alternate universe, sort of futuristic club setting.
LFB : The film was shot at the famous 1980s Parisian club, Le Palace. Why did you decide to invest this place?
Louie : Jules’ sister who directed the film has been living in Paris for a long time and she knew about this club, knew the history and how iconic it was. We were originally going to film this album in Berlin and when we decided to move to Paris, it was one of the first suggestions she had. It seems like it just made a lot of sense. We were really lucky that we could use this place as well.
LFB : A somewhat romanticized version of clubbing…
Louie : The reason we didn’t do it in Berlin is because the attitude here is to keep clubbing very sheltered. You’re not allowed to film anywhere, it’s a very personal experience, kind of different for everyone. Going to Paris and referencing the history a little bit more allowed us to approach it in that way rather than a realistic, current picture of what it is.
LFB : You’ve made this album a truly immersive visual experience. How would you like your audience to first discover it?
Louie : There are definitely two ways. We really tried to make this work as an album that you can listen to, like a dance record. The track listing on the digital version and the vinyls is actually different to the video, it starts differently. The video is like one of those experiences that you can have when you’re doing something else, it’s not something that should have your full attention. It’s more like an hour-long experience, like a soundtrack, at night or at a gathering or something. The album itself as an audio can definitely exist like a dance record. We spend a lot of time working on the flow, we’re coming from this culture like it flows as if a DJ set would. We’re trying to make it feel like that, like a mix that you throw on and listen to for an hour. I recommend listening to it like that.