Incapable de tenir en place, la bande de Brooklyn surgit pour la septième fois en onze ans avec Sympathy for Life. Beaucoup plus orienté garage-rock que le précédent, le son évolue vers des territoires plus novateurs et exotiques. Parquet Courts continue de s’amuser en nous entrainant dans leur univers à la fois festif et déconcertant. En somme, un groupe qui ne s’endort pas sur ses lauriers.
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Ils sont (tout naturellement) nombreux ces groupes qui ont été impacté dans leur création artistique par cette pandémie du COVID-19. Cela s’exprime par moment par plus de noirceur dans leurs récents textes ou les sonorités, témoignant des conséquences psychologiques endurées durant cette période. Parquet Courts n’est pas de cette troupe-là. Bien entendu, ils ont été touchés par cette période mais ont préféré opter pour des titres d’avant la pandémie qui ont fini germer. Point de rupture dans leur évolution donc, l’identité du groupe reste consolider.
Il n’empêche que certains membres ont décidé de bousculer un peu les choses, en particulier Andrew Savage et Austin Brown, lassé de faire du rock pour faire uniquement… du rock. Comme a pu nous le conférer Andrew, les sorties dans divers lieux de vie nocturne plus dance voir afro-caribéens ont pu grandement modifier le cours de l’histoire de Sympathy for Life. Elles ont ouvert les portes vers un environnement peu familier mais salvateur. Walking at a Downtown Pace, l’ouverture de l’album, marque d’un fer rouge cette déambulation excentrique dans la continuité d’un Wide Awake, mais sur une ligne de stoner plus prononcé. Le groove prend son effet grâce à la basse ondulante et les percussions claires de la batterie.
Les membres de Parquet Courts avaient, semble-t-il, terriblement besoin de créer à coup d’impulsions et de pur plaisir. La quasi-totalité des titres se sont construits à partir de jam session, avant arrangement. Leurs producteurs Rodaidh McDonald et John Parish ont réussi à donner un coup de polish en y mettant davantage de synthés se fondant dans la rythmique des guitares. Le résultat met en avant la nette influence des confrères new-yorkais de Talking Heads. Le groove a remplacé dans de nombreux titres les riffs saillants.
Le titre éponyme de l’album est l’emblème du nouveau blase sonore de Parquet Courts. La basse de Sean Yeaton devient le moteur endiablé et lugubre qui nous porte vers les pistes de danse. Les titres suivants, Zoom Out et Trullo, se poursuivent avec les mêmes intentions : des percussions afros pour l’un et des airs orientaux pour l’autre. La bande assume aussi de prendre un virage plus électronique sans sombrer dans les clichés du genre.
Marathon of Anger, qui met un steak bien mérité au capitalisme, est d’un registre très détonnant dans la discographie du groupe. La boîte à rythme et les accents du synthé deviennent les pièces maitresses de la mélodie. Dans une approche plus anglo-saxonne, Plant-Life suit les traces des merveilles de Screamadelica de Primal Scream. Enfin, Application/Apparatus, vire plein gaz vers l’électro-punk. Paradoxalement, les paroles évoquent des doutes sur les nouvelles technologies oppressantes qui téléguident machinalement les nouvelles générations : « Phone card hustle, calculation constantly / Friendly speaker tells me “In 1,000 feet” / 5G signal, guides my hands to shift the gears ». Parquet Courts, des boomers ? Le groupe n’a surtout pas sa langue dans sa poche et n’hésite pas évoquer des sujets qui le questionnent voire qu’il combat.
La rage reste dans les veines du quatuor et les amateurs de la première heure retrouveront leur impulsivité débordante. D’abord avec Black Widow Spider où les beats se calent sur les riffs saillants et mordants d’Austin Brown pour offrir un nouveau classique de concert. Ensuite, le nerveux Homo-Sapiens laisse dominer les guitares schlags et les voix criardes. Cette piste résolument garage-rock se glisse au milieu de l’album pour briser l’élan expérimental.
Avec Sympathy For Life, les New Yorkais de Parquet Courts exposent des créations expérimentales basées sur leurs influences du moment. La démarche semble similaire à l’indémodable Remain In Light de leurs ainés Talking Heads, sans toutefois être poussée à l’extrême. Certains regretteront peut-être que le concept ne soit pas entier, certaines pistes restant dans la continuité des précédents albums. Ce septième album démontre surtout la puissance du quatuor à redéfinir son identité. Aujourd’hui, ils se montrent capables de surfer sur toutes les vagues du rock, le rendant moins froid, plus coloré et surtout festif.