Blasé n’a pas tout dit

Auteur, compositeur, producteur et chanteur, véritable caméléon de la musique, Blasé nous présente son tout premier album BLABLABLA. Voilà un projet de 15 titres, aussi surprenant que réussi, qui se pare de toutes les couleurs. 

La sonnerie du réveil retentit. C’est déjà le matin. J’appuie sur le bouton de la machine à café d’un geste frénétique. Puis s’ensuit la routine : ouvrir les rideaux, et malgré moi, jeter un œil dans le petit miroir du salon. Bof. Je scrute les cernes qui se dessinent en dessous de mes yeux, et la marque de l’oreiller sur ma joue gauche. C’est toujours la même, je me demande pourquoi je dors toujours du même côté. S’habiller; un pantalon rose, une chemise bleue, et ces chaussettes vertes. J’ai un doute, une tenue avec toutes ces couleurs, est-ce que ça a du sens ? Les repas sucré-salé ça fonctionne et (parfois) c’est délicieux. Blablabla … Je me parle toute seule, ces questions existentielles tournent dans ma tête sans se poser.

Contrecarrer la routine et les choses qui sont censées aller ensemble ou non, ce matin-là, en fond sonore, je me laisse surprendre et accompagnée par le dernier album de Blasé. Sur le frigo est inscrit en grosses lettres BLABLABLA. Voilà un recueil de 15 titres, la véritable surprise du mois de mars, pour tous les jours, que le temps soit pluvieux ou ensoleillé. 

Si vous ne le connaissez pas encore, on se hâte de vous le présenter. Romain Hainaut alias Blasé, est un artiste franco-américain, producteur, compositeur et multi-instrumentiste. Après les titres You’re Not Alone ou encore Shut Me Down qui ont fait le tour de la planète (ou presque), on le découvre ici seul, et parfois accompagné, sur ce premier album. Véritable caméléon de la musique, il nous emmène dans des contrées lointaines ou proches. L’atmosphère se fait tantôt groovy, ou plutôt rap, on se laisse porter par de la new wave et des airs de cumbia. Il chante en anglais et en français. Ainsi, impossible de s’ennuyer, tant sa palette musicale est riche.

Dans cet album, on parlera du quotidien, d’amour et d’attentes, et de la vie telle qu’il la perçoit, parfois grise ou colorée. Un des points clés, et qui nous a séduit, c’est la belle énergie qu’il nous partage. Instant Magique est le premier morceau de l’album qui donne le ton au projet. Il s’installe doucement mais sûrement. Blasé lie le réel à l’imaginaire sur un son groove et poétique, sur lequel il chante en français. 

Instant Magique pourrait résonner avec le titre It feels so good. Sur un rythme plus rapide, on se laisse transporter par un son lumineux et vivant, qui pourrait nous rappeler l’énergie good mood de Benny Sings, en un poil plus électro. 

Mais alors, est-ce que Blasé porte-t-il bien son nom ? Blasé qui es-tu ? Appartenant à une génération d’artistes, de poètes du quotidien, je l’ai aussi imaginé dans un film en noir et blanc, un air un peu mystérieux. À côté de la plaque ? Non ! Il s’invite sur le devant de la scène, sans faire de bruit. Un personnage “blasé” qui joue avec ce rôle, l’adopte sans se vanter. On s’invite dans ses obsessions, ses mots qui se répètent et s’élèvent avec la douceur du chœur, avec le morceau Different Mind. Puis on part à sa rencontre au fil du titre Ice Comfortable. Ce morceau aborde le fait d’aimer quelqu’un sans en être bien certain, sans parvenir à exprimer ses sentiments, et choisir de rester dans cet entre-deux. Quelque part, s’y plaire un peu.

I Know You possède également un côté plus rock et quelque peu rétro. On hoche la tête de droite à gauche, à la manière d’un bad boy sensible. “I played a long game baby, I don’t care about tomorrow”. On l’imagine marcher seul au beau milieu d’une rue déserte. Sa voix entêtante part dans les aigus sur la fin du morceau, une petite surprise qu’on apprécie particulièrement. 

Si Blasé porte très bien son costume, une alliance de nuances joyeuses qui rencontrent parfois un chemin plus ombragé, le musicien laisse également la place à l’expérimentation dans cet album. BLABLABLA regorge de plusieurs pépites. 

Faces, composé avec Anna Majidson, est un de mes titres préférés du projet. Une musique « suave », du miel que l’on peut écouter en boucle pour ce côté mystérieux, à la fois doux et singulier. Sur l’intro on pense aux morceaux de Zero 7 ou de Stereolab. Avec Faces, ces deux jeunes artistes font monter la pression sur une ambiance électrique et délectable, une danse dans le noir. Après quelques secondes la voix envoûtante de Anna se mêle à merveille avec la mélodie. 

Si on aime les images, il y a un côté cinématographique dans cet album, parfois un peu générique de film. Si on imagine Blasé marcher seul dans les années 80 sur I Know You, Mirror est un son pop et entraînant, aux influences new wave. Porté par le son de la guitare, c’est un titre plus introspectif.

BLABLABLA c’est aussi un album nourrit par de nombreuses collaborations, qui participent à la surprise générale. Si nous avons cité Anna Majidson, on retrouve également Jwles, avec qui il a déjà travaillé dans le passé. On pense au titre Not Now, accompagné de Valee, ainsi qu’au morceau Jacques, un featuring très réussi et poussé par des phrases percutantes. « Je n’ai tiré aucune balle mais j’ai laissé un impact. » On pense au rap des années 90, à la Mc Solaar. Blasé est une force tranquille, qui prend son temps. On apprécie ce mélange de styles, et l’apport de la flûte sur ce morceau. 

Sur une base plus hip hop, qui s’avance d’un pas lent et décidé, on découvre avec plaisir Free, composé avec Eshu 7. Enfin, un des featurings les plus groove de l’album, a été réalisé avec le talentueux musicien américain Cola Boyy. I Need It (from You) est un morceau rap aux accents disco, pour nous faire danser au présent. 

Vous l’avez compris, Blasé joue avec les influences musicales tout au long de cet album. Cependant BLABLABLA ce n’est certainement pas “parler pour ne rien dire”, c’est dire beaucoup, avec générosité, et surtout sans s’enfermer. 

On peut relever les airs de cumbia sur le début de Chemicals. La voix se fait plus discrète et lointaine, jusqu’à s’effacer totalement sur le morceau Maria. Celui-ci vient refermer l’histoire de BLABLABLA. C’est un son court de 1mn20, sans parole, mais entraîné par la voix du chœur, comme une fenêtre de lumière au milieu de la pénombre. On ressent un sentiment d’apaisement et de plénitude, qui s’éteint avec douceur, sans prévenir. 

En rembobinant la pellicule, de Instant Magique à Maria, qu’a t-il bien pu se passer ? On est presque parti en voyage, au cœur d’une exploration musicale qui ne suit aucune ligne droite, ni prédéfinie. Le chemin est sinueux mais on ne s’égare pas. De Instant Magique à Maria, il y a le possible et l’envie de créer joyeusement quelque chose de nouveau. Ironie du titre, BLABLABLA est un projet hyper intéressant, face auquel il demeure difficile de rester indifférent, et à écouter dans son ensemble.

Après son EP Pourquoi Blasé? sorti en 2023, l’artiste s’affirme sur ce projet. Chaque morceau de l’album se différencie de celui qui le précède. Ils s’habillent de toutes les couleurs, de tous les registres. Blasé parvient à croiser des univers traversant les âges, et mélanger des sonorités. Le pari est aussi surprenant que réussi. Blasé se présente comme un miroir de la pop contemporaine, qui puise ses influences dans la musique anglo-saxonne ou américaine. Cette identité, qui ne fait aucun doute, se cache dans cette large palette musicale mais aussi dans cette prise de liberté. On imagine le plaisir qu’il a pu avoir à réaliser cet album, qui fut pour nous (et peut être très bientôt pour vous aussi) un bonheur à découvrir.

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