La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Voici la deuxième partie de notre 255e sélection des clips de la semaine pour terminer la semaine en beauté.

DITTER – Way Too Cool For You
On les avait découverts lors des auditions des Inouïs du Printemps de Bourges au début de l’année 2023 au Petit Bain, force est de constater que Rosa, Samuel et François tracent petit à petit leur route les menant vers les sommets !
On les a entre-temps vu fouler les planches du festival Rock En Seine et sortir en grande pompe leur premier EP Me Money & Politics. Il faut dire que ces “sales gosses du fond de la classe” comme on aime à les appeler se singularisent par leur excentricité naturelle et une musique organique empruntée aux mouvances électro punk anglo-saxonnes à vous déboîter les hanches ! Une énergie communicative que l’on retrouve ici dans ce nouveau clip vidéo dont le titre, bien à leur image, est sobrement intitulé Way Too Cool For You. Un plan séquence immersif où l’on voit Rosa prendre un bain de foule au milieu d’un public tout acquis à sa cause, qui dénote avec leurs débuts de carrière où, inconnus, on les prenait plutôt pour des extra-terrestres avec leur folie douce !
Leur look a également traversé le temps en passant de vêtements bricolés à leurs débuts avec lunettes, paillettes et ailes de papillon, à un look beaucoup plus glamour et conventionnel, « so chic » ! “I am a slut, I am a lady, I am a kid, I am so mature” Tout est dit…
Allô Fantôme – La question qui tue
Avec La question qui tue, Allô Fantôme signe un clip aussi doux que subjugant. Assis au piano dans un appartement baigné de lumière orintanière, Samuel Gendron nous livre un morceau introspectif, porté par des questions existentielles sans réponse : Pourquoi ?, C’est quoi le sens de la vie ?.
La réalisation épurée de Karelle Goguen-Bancel laisse toute la place à la musique et aux non-dits. Les arrangements subtils — flûte, saxophone, synthés vintage — soutiennent une voix fragile, entre lassitude et lucidité. Le clip devient un cocon de réflexion, un instant suspendu où l’on se reconnaît dans ces pensées qui tournent en boucle.
Un banger en clair-obscur, à découvrir sur scène le 24 avril à la Sala Rossa (Montréal)
Charlie Trimbur – Jusqu’au bout
Habitué à travailler dans l’ombre, avec notamment Eddy de Pretto ou, plus récemment, Yoa, Charlie Trimbur se développe un projet personnel. Il nous dévoile, Jusqu’au bout, sa première chanson que l’on retrouvera bientôt sur un EP qui se nommera La nuit pure.
Sa voix discrètement autotunée résonne sur une mélodie, simple, mais entêtante, aux reflets Pop. Suffisamment accrocheuse, mais pas trop. Tout est dans une demi-mesure. Indéniablement mélancoliques, les paroles se dessinent dans le clair-obscur de ses pensées, s’accrochant aux souvenirs qui le hantent. Les mots s’interpellent et se répondent dans des associations de sons ou de sens, perdus Jusqu’au bout du spleen amoureux.
Pour illustrer le premier morceau de Charlie Trimbur, Maxime Ellies a choisi un long plan séquence, un peu à la Zbigniew Rybczyński, où le musicien apparaît, disparaît et parfois se doublonne pour au final s’effacer.
Rallye – Playlist
Lorsque les souvenirs s’estompent, il suffit souvent de pas grand-chose pour qu’ils reprennent vie, même après des années. Une odeur, une saveur, une texture, une image ou une chanson. Une Playlist que l’on s’est partagée devient un marqueur temporel et le catalyseur des réminiscences de moments passés ensemble. Smooth Operator rime alors avec « dans mes écouteurs » et « dans mon quartier » avec Flavien Berger. Devenues paraboles intemporelles, ces chansons épousent les méandres de nos pensées. « C’était ta playlist à toi, en aléatoire »
Filmé par le studio C’estainsi – habitué des clips et covers de Rallye – Playlist prend la forme d’un long travelling dans les rues du quartier Saint-Blaise matérialisant cette fugue sonore qui emporte le chanteur. Et c’est tout comme la musique, haletant !
Adrian Quesada ft. Cuco – Ojos Secos
Premier extrait du prochain album Boleros Psicodélicos II d’Adrian Quesada, porté par la voix éthérée de Cuco, Ojos Secos est le murmure d’un amour qui s’efface sans jamais disparaître.
L’arrangement délicat enveloppe des mots empreints de résignation. L’amour, malgré sa sincérité, n’a pas résisté. Il s’est usé sous le poids de l’absence, s’est effrité jusqu’à devenir une douleur silencieuse, celle que l’on porte sans plus pouvoir la pleurer.
Les mélodies prennent sens sous une nuit rouge qui embrase le désert, paysage brûlé par la mémoire. Cuco y marche, silhouette errante sous un ciel incandescent. Une guitare abandonnée, une rose consumée par les flammes : autant d’échos d’une passion révolue. L’image rappelle les visions fiévreuses du Dracula de Coppola, où le rouge du ciel scelle un amour immortel dans sa tragédie.
Dans cette errance musicale, Adrian Quesada poursuit son voyage au cœur du boléro, renouant avec la nostalgie tout en la tissant d’une maturité plus moderne. Boleros Psicodélicos II paraîtra le 27 juin, promesse d’une nouvelle plongée dans l’émotion brute et d’un projet plus que bien abouti, ce qui n’est guère surprenant de la part du musicien, habitué à un travail sincère et de qualité.
Gabi Hartmann – Salinda, la fille aux yeux de sel
Artiste de jazz remarquée, Gabi Hartmann révèle le clip de Salinda, la fille aux yeux de sel, sorti peu de temps après son deuxième album La femme aux yeux de sel, publié chez Sony. La résonnance entre les titres des deux œuvres s’explique. Salinda, la fille aux yeux de sel ouvre le disque, composé comme un conte initiatique. Jeune fille deviendra femme libre et espérant. Ce morceau raconté à une petite fille que l’on entend poser des questions évoque Salinda, une fille dont les yeux sont faits de sel, qui font à chacun de ses pleurs. Elle cherche une solution, un remède, pour ne plus jamais pleurer.
Gabi Hartmann semble nous dire que nos peines parfois nous aveugle. Tout comme nos joies : « Salinda souffre d’une maladie rare / Quand il lui arrive de pleurer / De tristesse ou de joie / Ses yeux coulent et disparaissent petit à petit / Elle voit de moins en moins » Mais Salinda est courageuse. La jeune femme sait qu’il lui faut voyager, traverser la mer pour remplir ses yeux de sel. C’est ainsi que ce déroule l’album. Revenons à Salinda, la fille aux yeux de sel. La chanteuse confie à Douglas Benchetrit la réalisation d’un clip onirique. Ce dernier invite au voyage. A prendre une barque pour naviguer à l’écoute d’un deuxième album très réussi.
Linkin Park – Up From The Bottom
Y’en a un peu plus, je vous le mets quand même ? Pour annoncer la sortie de l’édition Deluxe de From Zero, Linkin Park nous présente aujourd’hui un nouveau titre mis en images : Up From The Bottom. Alors qu’en parallèle, Evanescence a également sorti un nouveau morceau cette semaine on est en droit de se demander si on n’aurait pas un bond de vingt ans (en tout cas les ados qui ont grandi dans les années 2000 sont ravi(e)s). Pour revenir à nos amis Américains, ils parlent cette fois de remonter la pente et de se sortir des griffes de tout ce qui nous retient en arrière (soi-même, les autres, le gouvernement Bayrou, etc.).
C’est du rock, ça motive, on a envie de se le mettre dans les oreilles en faisant du sport pour être inspiré(e) et aller se dépasser. Côté images, on retrouve Joe Hahn à la réalisation, le même qu’on retrouve au scratch et aux synthés dans les morceaux. Il nous montre le groupe en plans serrés en train de jouer, entrecoupé d’images qui nous rappellent des difficultés que l’on peut rencontrer.
Jo Vague – Jane
Magnétique. Jo Vague nous offre Jane, un petit bijou de pop électro avec des élans rock. La musique, travaillée, hypnotise l’auditeur par son minimalisme presque transcendantal. Jo vague tantôt récite ce texte précis, sonore, tantôt le répète avec émotion quand une incantation.
Le refrain de Jane aérien, léger, et surtout chanté est entêtant. L’artiste a abordé une palette musicale pour évoquer des émotions multiples provoquées par Jane, un double fantasmé. Une autre partie de soi qui renvoie à ses propres contradictions. Elle chante : « Jane, j’ai chaud et froid. Oh Jane, je te sens toi. Je veux être toi » Cette chanson parle du fait de se confondre à l’autre, de laisser l’autre nous posséder, tant l’impuissance de nos sentiments pour elle ou lui est grande. Jo Vague s’accompagne de Claire Juge à la réalisation du clip.
Cette dernière joue de cette ambiguïté en projetant le portrait de Jo Vague sur la chanteuse. Jo Vague sortira son EP le 18 avril prochain, attendu avec impatience et qui promet d’être prometteur dans la lignée d’artiste électro pop de chanson française telles Robi, Katel ou Gisèle Pape.
Blasé – Instant Magique
Quoi, qu’est-ce que t’as dit ? Désolée j’étais ailleurs. Le regard dans le vague, il pense que je l’écoute. Pourtant en arrière plan, les arbres dansent, et les piétons au loin me font penser à de petites fourmis ou à des dominos. Les points des dominos se seraient détachés, sans bien savoir comment se ranger. Là-bas, dans un coin de ma tête, tourne le dernier single de Blasé, Instant Magique. Cet artiste franco-américain, de son vrai nom Romain Hainaut, déjà bien présent sur la scène musicale, a sorti son tout premier album BLABLABLA. À la rencontre de plusieurs genres et influences, Instant Magique nous ouvre les portes de son monde.
On l’aperçoit par la vitre du bus. Instant Magique c’est une balade dans un univers de papier, mou et coloré, puis un retour au réel. Vraiment ? L’écran grésille, on le suit entre les pages. La mélodie, pop et groovy, rythme ses pas. Ses mots se posent, et on s’y accroche. Il pense à elle. Le voilà au supermarché, à l’arrière d’un camion ou sur les rails du train. Les petits personnages de la BD s’échappent de la fiction pour l’accompagner dans son quotidien. Blasé possède aussi cet air ailleurs et détaché. Comme si, lui aussi, était un intrus, un truc que l’on serait venu coller au réel.
Un papillon traverse la vignette. On apprécie ce dernier plan devant le lac, sorti d’un film sur cassette. Vêtu de son costume blanc, Blasé nous entraîne dans son univers singulier. En même temps que lui, on balance la tête de droite à gauche. Paradoxalement BLABLABLA a énormément à nous dire, ce fut pour nous la belle surprise de ce mois. On vous invite à y plonger, tant pour la diversité des morceaux que pour éveiller votre imaginaire. Rendez-vous à la prochaine page.
ORAGE – Jusqu’à quand
Un peu de délicatesse pour terminer cette semaine de clip avec le retour d’ORAGE et son nouveau titre Jusqu’à quand.
Derrière ORAGE, on retrouve Alexandre Inglebert un grand gaillard qui derrière des sourires et un rire franc cache une sensibilité marquée au fer rouge et l’envie de partager des histoires qui comptent, des histoires qui se doivent d’être partagées.
Jusqu’à quand, c’est un peu ça. L’envie de parler des silences qui brisent, des mémoires qui s’effacent et des vies qui se gâchent derrière des secrets familiaux qui tiennent encore et encore … mais jusqu’à quand ?
ORAGE porte bien son nom et derrière la délicatesse apparente, derrière la voix qui cajole se cachent des tempêtes et des grands moments d’émotions. Une batterie qui martèlent le rythme, une basse discrète mais au combien importante nous guident dans les tourments et les coups de tonnerres, avant de mieux laisser passer les éclaircies de cette pop élégante et racée.
Comme un clin d’œil fait par le destin, c’est par hasard qu’Alexandre et son frère Pierre ont retrouvé des archives visuelles de leur famille. Trente ans d’histoires, de quotidien, de retrouvaille et de vie qu’ils compilent pour donner une existence encore plus forte à la chanson.
En nous faisant entrer dans leur histoire, ils réparent l’idée même du chaos et des absences pour mettre à l’honneur l’héritage et les liens du sang, ceux qui ne disparaissent jamais vraiment.
Jusqu’à quand est le premier extrait du nouvel EP d’ORAGE, autant vous dire qu’on a pas fini de vous parler de ses grands éclairs pop-rock.